Verdun, avril 1916. En première ligne, l’épouvante des tranchées : un gouffre de peur, de faim, de froid. Mais pas seulement. Non loin de l’ennemi déclaré, un autre, plus sournois, sévit. Un adjudant qui se repaît de la souffrance de ses hommes. Un bourreau que la guerre, enfin, autorise à tuer.
Lors de mon dernier passage à la médiathèque, j’étais en quête d’un roman de Maxence Fermine, dont je ne connaissais pas encore la plume. J’hésitais entre Neige et La petite marchande de rêves et je suis repartie avec Les carnets de guerre de Victorien Mars, oui je sais je suis enquiquineuse dans l’âme, surtout avec moi-même ! Et à chaque passage, ça se solde de la même façon, c’est toujours comme ça, je note dans mon petit carnet de bibliothèque (je suis très organisée comme vous le voyez) les livres que je veux emprunter sauf qu’une fois là-bas je change invariablement d’avis, attirée par des couvertures ou des auteurs mis en avant par les bibliothécaires. Mais si vous me lisez depuis quelques temps, vous connaissez mon intérêt pour la guerre 1914-1918 ravivé par trois excellents romans Les âmes grises, 14 et La chambre des officiers, aussi, lorsque j’ai vu celui-ci, je n’ai pas réfléchi, je l’ai embarqué illico et je peux vous avouer que j’ai bien fait.
On rentre illico dans le vif du sujet : Victorien Mars, le narrateur, tapi dans une tranchée, subit le feu nourri des canons allemands. Il est dans le No man’s land, ce territoire du champ de bataille qui n’appartient à personne, pile entre les lignes françaises et les lignes allemandes. En compagnie de ses camarades d’infortunes, Tanguy Estève, un tonnelier de St Jean de Luz de 20 ans, Matteo Capitone, un marseillais originaire de Bari en Italie âgé de 25 ans et Luc Berger, un artiste peintre montmartrois de 26 ans. Il attend la mort car il a un pistolet posé sur sa tempe et au bout de ce pistolet, un soldat français ! Pourquoi ? Nous n’en saurons pas plus pour le moment, retour en arrière, le 1er août 1914, jour de la déclaration de guerre.
Victorien Mars, un nom prédestiné à la guerre, on n’arrête pas de le lui dire, est horloger à Lyon lorsqu’éclate la guerre. Ce sont ses carnets qui vont nous raconter sa guerre. Lui, il n’en veut pas de cette guerre, il est déjà bien malheureux comme ça et surtout il veut terriblement vivre, mais comme il ne veut pas faire tâche dans le beau tableau patriotique, il affiche, comme les autres, le même désir revanchard envers les allemands.
Victorien a peur de mourir mais aussi peur de devenir un assassin, absous de ses crimes par la patrie qui envoie la chair à canon par wagons entiers, se faire massacrer dans l’indifférence générale. Les militaires de carrière en prennent pour leur grade, sous la plume de notre héros : le général Joffre, le grand héros de la guerre en premier, qui restera à l’arrière, à dormir dans des châteaux, pendant que la bleusaille, dort dans la boue et le froid. Fermine nous rappelle qu’il est l’auteur de l’ordre du jour du 6 septembre 1914, premier jour de combat : Au moment où s’engage une bataille dont dépend le salut du pays, il importe de rappeler à tous que le moment n’est plus de regarder en arrière. Tous les efforts doivent être employés à attaquer et refouler l’ennemi. Une troupe qui ne peut plus avancer devra coûte que coûte garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que reculer. Le ton est donné : vaincre ou mourir. Et en effet, les poilus auront intérêt à avancer ou tenir leurs positions sous peine de se faire exécuter par leurs chefs, dans la boue des tranchées ou au petit matin, par le peloton d’exécution, morts pour l’exemple. Ils partent à l’assaut la peur et la faim au ventre car ils sont nombreux et les vivres manquent. Alors Victorien et les autres ont faim, et notre poilu décrit par le menu le fossé immense qui sépare la chair à canon, qui n’a aucun droit et qui subit encore et encore, des militaires de carrière, qui ne prennent pas part aux assauts, comme le commandant Braque, chef de Victorien à Ypres, têtu comme une mule, méchant, froid et déterminé, qui n’a cure de perdre ses hommes et qui ne se soucie que d’honneur et de bravoure. Un homme pourtant, l’adjudant L’As de Pique, lui, a soif de sang et de mort. A chaque mission, à chaque assaut, il est le seul à survivre de son équipe, on comprendra pourquoi !
Fermine revient aussi sur les exécutions pour l’exemple, sur les nettoyeurs de tranchées, sur l’amélioration du quotidien du soldat avec les marchés parallèles qui se mettent en place, sur les courriers tant attendus, sur la paix dont Victorien dit qu’elle n’est pas pour les Poilus mais pour les gradés, car la paix n’est jamais signée dans la boue mais dans les palais, et sur bien d’autres choses encore mais je ne veux pas tout vous dire ici, il faut lire ce récit absolument.
Ce roman est apparemment tout à fait méconnu et pourtant il mérite vraiment qu’on s’y intéresse, je compte d’ailleurs l’acheter et le faire lire aux garçons lorsqu’ils auront l’âge, tant il est intelligent par son propos et très bien écrit. Et, la prouesse de Maxence Fermine est colossale : décrire l’enfer des tranchées, sans entrer dans le détail, en restant à la marge mais sans perdre en intensité, en puissance. Les carnets de guerre de Victorien Mars sont avant tout des réflexions sur la guerre, sur le quotidien des Poilus, leurs peurs, leurs doutes. Des propos ciselés à la perfection, bien sentis et qui font mouche sans avoir besoin de tomber dans les excès sanguinolents, il n’y en a pas ici.
On referme le livre le cœur léger, apaisé, heureux d’avoir lu un si beau texte, avec l’envie de découvrir les autres romans de Maxence Fermine, s’ils sont du même calibre, ça promet d’excellents moments de lecture.
Ton récit me donne envie, j’aime aussi les romans guerre 14/18. Merci pour ce partage, bonne journée, bises.
Si tu t’intéresses à cette période, tu dois absolument le lire !! Bonne journée Bea bises 🙂
Tu as oublié les petites étoiles ?
En tout cas, je le note. Je me reconnait très bien dans ta description de tes habitudes à la bibliothèque : je repère ceux que je veux et puis finalement, je repars avec des livres qui n’ont rien à voir !
Oh oui heureusement que tu es là, erreur réparée : 4 étoiles, ça frôle même le coup de coeur, toi qui aimes l’histoire je suis sûre qu’il va te plaire. Je vois que je ne suis pas la seule à changer d’avis à la médiathèque 🙂
ce livre semble très intéressant, j’ai plus lu de livre sur 39/45 que sur 14/18 mise à part les âmes grises, je le note. Quant aux enfants je trouve qu’il est difficile d’expliquer ce que c’est que la guerre, mon fils de 5 ans me pose beaucoup de question : à quoi ça sert? on tue des gens? et on connait des gens qui on fait la guerre? si papi a fait la guerre, alors il a tué des gens???
Ton fils, comme les miens (6 et 8 ans) sont trop jeunes pour le moment et la guerre n’est pas un sujet de conversation pour eux, mais au Collège, lorsqu’ils aborderont la guerre 14/18 par exemple, je sais déjà quels livres leur mettre dans les mains, pas ceux qui débordent de détails sanguinolents mais qui les font réfléchir à l’absurdité de la guerre
Très belle critique, Bianca!
Cette période de l’histoire m’intéresse beaucoup. Comme toi, j’avais été conquise par la chambre des officiers et les âmes grises .
J’avais beaucoup aimé aussi le feu de barbusse et les croix de bois de dorgelès.
Du coup, je note ce titre et j’espère le trouver dans ma médiathèque. Tu es vraiment une tentatrice 😉
Biz
Merci Claire, contente que ce livre t’intéresse, j’espère que tu le trouveras, je pense car si je le trouve dans ma petite ville, à Paris ça doit être faisable. Je note tes deux titres que je n’ai pas lu. Bises
J’ai lu peu de romans sur la guerre 14-18 et c’est une critique qui me donne envie de me plonger dans ce livre.
J’avais lu et adoré « le chemin des âmes » de Joseph Boyden.
Moi aussi je te rassure, je note ton titre que je ne connaissais pas, merci !
Le livre est terrible !
http://the-cannibal-lecteur.jimdo.com/12-romans-de-guerre/#2
Il y a aussi « à l’ouest, rien de nouveau », un grand classique.
C’est noté !
Attention, risque de faire monter la PAL !!
Même pas peur !!
Courageuse ! ou téméraire… les deux vont ensemble.
J’aime bien cette période de l’histoire alors pourquoi pas !
Il devrait te plaire et puis c’est tellement bien écrit, le narrateur est tellement attachant, qu’il ne faut pas passer à côté 🙂
aaaah ce que tu dis de ce livre m’intéresse énormément. D’abord parce que j’ai vraiment apprécié ma découverte de l’auteur avec « Neige » et que je la poursuivrai donc avec plaisir. Ensuite parce que, comme toi, j’aime les récits de guerre et enfin parce que ça pourrait me servir pour le boulot. Bref, trois excellentes raisons pour m’y plonger ! Merci pour ta chronique, tjs superbement écrite, qui nous dévoile des romans peu connus mais qui valent le détour !
Bisouxx douxx¨¨*
Merci beaucoup Lili pour ton commentaire, il me va droit au coeur ! J’ai bien l’intention de lire Neige cette année, le style de Fermine m’a beaucoup plu ! J’espère que ces Carnets de guerre te plairont autant qu’à moi mais d’après ce que tu me dis, ça devrait être le cas 🙂 Bisouxx douxx à toi aussi Lili
Une belle chronique mais je commencerai ma découverte de l’auteur avec Neige pour ma part. Les récits de guerre je peux apprécier mais à petites doses et ça dépend encore comment c’est écrit…. A vrai dire à la base ça ne m’attire pas mais je fais des découvertes surprenantes comme avec L’armée des ombres de Kessel qui évoque la seconde guerre mondiale mais côté Résistance. Roman coup de coeur pour moi. Je pense que tu devrais lire Cris de Laurent Gaudé qui parle aussi de la guerre 14/18, un livre magnifique parait-il, je l’ai mais pas encore lu 😉
Bisous ma Bianca et bonne soirée 😀
Merci Laure, j’ai bien l’intention de lire Neige, ce roman a l’air de ressembler à Soie que j’avais adoré et j’ai aimé le style de Fermine, alors ça devrait me plaire. Je ne suis pas particulièrement attirée par les récits de guerre mais j’aime l’histoire et ce roman-ci est surtout psychologique, je suis sûre qu’il te plairait. je note le titre de Gaudé au passage. Bisous ma Laure et bonne soirée 🙂
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