Ils sont deux à la surveiller, à l’interroger pour lui faire dire ce qu’elle n’a pas vu. Ils dressent de son fils un portrait dans lequel elle ne le reconnaît pas et veulent bâtir autour de sa crucifixion une légende qu’elle refuse. Seule, à l’écart du monde, dans un lieu protégé, elle tente de s’opposer au mythe que les anciens compagnons de son fils sont en train de forger. Lentement, elle extirpe de sa mémoire le souvenir de cet enfant qu’elle a vu changer. En cette époque agitée, prompte aux enthousiasmes comme aux sévères rejets, son fils s’est entouré d’une cour de jeunes fauteurs de trouble infligeant leur morgue et leurs mauvaises manières partout où ils passent. Peu à peu, ils manipulent le plus charismatique d’entre eux, érigent autour de lui la fable d’un être exceptionnel, capable de rappeler Lazare du monde des morts et de changer l’eau en vin. Et quand, politiquement, le moment est venu d’imposer leur pouvoir, ils abattent leur dernière carte : ils envoient leur jeune chef à la crucifixion et le proclament fils de Dieu. Puis ils traquent ceux qui pourraient s’opposer à leur version de la vérité. Notamment Marie, sa mère. Mais elle, elle a fui devant cette image détestable de son fils, elle n’a pas assisté à son supplice, ne l’a pas recueilli à sa descente de croix. À aucun moment elle n’a souscrit à cette vérité qui n’en est pas une.
De Jesus de Nazareth, on ne sait que ce que les évangiles de Jean, Marc, Mathieu et Luc ont bien voulu nous raconter. Mais de Marie, sa mère, on n’en sait encore moins. Qui était cette femme ? Que pensait-elle de son fils et de ses disciples ? Mystère et boule de gommes…
L’église catholique comme l’église orthodoxe accordent une grande place à Marie : celle de la Mère de Dieu, celle qui a enfanté le sauveur grâce au Saint-Esprit, celle qui assiste au supplice de son enfant devenu homme, couronné d’épines et cloué sur une croix, celle qui vient récupérer à la nuit tombée le corps de ce fils sacrifié avant de le rejoindre au Paradis.
Loin des textes et de l’image que l’on peut avoir de Marie, Colm Toibin nous propose de voir cette mère autrement et nous donne à lire ici son testament, ses pensés intimes.
Ephèse, vingt années ont passé depuis la crucifixion de Jésus. Marie vit depuis cet évènement seule, cloitrée dans sa petite maison. Mise au banc des siens, elle vit la peur au ventre et survit grâce à l’aide de deux hommes qui prennent soin d’elle, sans doute deux des apôtres de Jésus.
Ces deux hommes sont venus recueillir le témoignage de Marie. Un témoignage destiné à accréditer la divinité de Jésus, sa prédestination à mourir sur la croix pour racheter les péchés des hommes.
Ce qu’ils veulent, ce sont des éléments qui abondent en leur sens et viendront alimenter la rédaction d’ouvrages destinés à évangéliser le monde pour des siècles et des siècles.
Mais Marie ne veut pas leur donner ce qu’ils sont venus chercher. Elle souffre dans son coeur, dans sa chair de femme, de mère. Alors, elle se souvient de Jésus, bébé puis enfant, un garçon timoré qui restait dans l’ombre.
Elle se souvient, quelques semaines avant sa mort, de l’avoir entendu proférer des propos aussi obscurs qu’incompréhensibles. De l’avoir vu changer au point qu’elle ne le reconnaisse plus, au point qu’il ne voit plus en elle sa mère mais une simple femme.
De sa surprise, qu’il se prenne pour le fils de Dieu. Des noces de Cana où il change l’eau en vin. De la résurrection de Lazare. Marie ne comprend pas ce qui arrive à son fils, elle ne croit pas à ses miracles.
Colm Tóibín livre ici un texte habité, très fort, qui ne se lit pas aisément mais qui vous prend vraiment aux tripes. La douleur de cette mère, qui pourrait être n’importe quelle mère, vous, moi, ne peut que nous émouvoir et nous bousculer, nous chambouler.
Un récit qui propose une vision, une interprétation de Marie totalement éloignée des textes sacrés et des dogmes qui en fait une femme terriblement moderne et proche de nous. J’aime beaucoup cette vision de Marie que porte Toibin.
J’ai failli le lire mais le thème ne m’attirait pas plus que cela, après ton billet, je vais réviser mon jugement mais j’attendrai le bon moment s’il n’est pas facile à lire ! 😉
Non il n’est pas facile à lire, je te conseille de le feuilleter avant, le style de Toibin n’est pas évident !
Je pense que c’est une lecture très atypique qui donne un portrait de Marie comme on en voit peu. Il ne me tentait pas plus que cela, mais ton avis donne envie de s’y arrêter =)
ça c’est sûr, c’est un portrait de Marie inédit, je suis contente d’avoir éveillé ta curiosité !
C’est un thème original et qui ne plaira pas à tout le monde je pense… j’avoue que d’un côté je serais assez curieuse de le découvrir mais d’un autre, j’ai peur que ça ne me plaise pas et j’avoue que la couverture ne me tente pas du tout (mon côté superficiel!).
La couverture pour le coup est pile dans le propos du récit mais bien loin du glamour on est d’accord 😉
C’est un livre qui m’intéressait et ton billet donne envie mais vu qu’on ne l’a pas acheté au boulot, je ne sais pas si j’aurais l’occasion de le lire.
J’espère que ta médiathèque l’acquierera ou celle de Bourg, sinon je peux te le faire voyager !
Pas envie Bianca, même si c’est bien.
Je comprends Syl, le sujet ne parle pas à tout le monde !
Quel sujet !! L’idée de départ est excellent mais j’ai peur d’y être hermétique.
Je ne sais pas si il pourrait te plaire Lydie, et au-delà du sujet, le style de l’auteur est pas évident non plus !
Très bon livre, je suis bien d’accord avec toi.
Contente qu’il t’ai plu aussi !
[…] aussi sont venus ponctuer mon mois de novembre et on commence par celui que j’ai préféré : Le testament de Marie de Colm Toibin dont j’attendais beaucoup également mais contrairement à Conversion, je […]
[…] été envoutée par Le testament de Marie de Colm Toibin, je vais avoir le plaisir de retrouver la plume de cet auteur avec Brooklyn édité […]
J’avais repéré ce livre à sa sortie mais n’avais pas été plus loin dans ma démarche. J’ai bien fait de tomber sur ton billet car vu qu’il n’est pas facile à lire, je pense qu’il faudrait mieux que j’aille le feuilleter en librairie. Bonnes vacances !
[…] découvert Colm Toibin avec son précèdent opus pour lequel j’avais eu un quasi coup de cœur : Le testament de Marie, j’avais donc l’espoir d’apprécier tout autant son nouveau titre, ce ne fut malheureusement […]
[…] qui renaît de ses cendres, je l’ai globalement apprécié même si j’ai préféré Le testament de Marie du même […]