« Vint le moment où la souffrance des autres ne leur suffit plus : il leur en fallut le spectacle. »
La mort en direct : c’est ainsi que les concepteurs d’une émission de télé-réalité nommée « Concentration » veulent atteindre l’audimat absolu. Mais parmi les participants bien involontaires à cette émission, une étudiante à la beauté sidérante, Pannonique, devenue CKZ 114 une fois entrée dans le camp de concentration télévisé, va tenter de déjouer les règles.
Dans ce camp quelque part en Europe centrale, les prisonniers sont affamés, déshumanisés, réduits à un numéro de matricule tatoué dans leur peau, roués de coups par les kapos, sous l’œil bienveillant des organisateurs et des téléspectateurs qui se délectent du spectacle.
Pannonique, portée par son courage et ses valeurs morales, va tout tenter pour sortir ses compagnons d’infortune de cet enfer…
A chaque rentrée, Amélie Nothomb nous propose un court roman de son cru, le petit dernier vient de paraître, il y a de bonnes années et d’autres nettement moins. Mes dernières lectures de cette romancière prolifique, Riquet à la houppe (cuvée 2016), Frappe-toi le cœur (cuvée 2017) et Les prénoms épicènes (cuvée 2018) m’ayant convaincue, j’ai jeté mon dévolu sur un roman paru en 2005 : Acide sulfurique.
L’autrice belge aborde avec ce titre la télé-réalité dont elle nous livre ici une féroce critique. Avec comme toujours une économie de mots, ce qui ne le rend pas moins fort bien au contraire, ce texte dénonce la cruauté d’une forme de télé-réalité poussée à l’extrême et jette un éclairage cru sur certains travers de notre époque.
Le roman aborde de manière particulièrement accessible, la notion d’éthique en résonnance avec la seconde guerre mondiale car les parallèles sont nombreux et Amélie Nothomb les énonce bien volontiers.
Le récit se déroule de nos jours, on ne connaît pas la localisation si ce n’est que ce camp doit avoir pris ses quartiers dans un camp de concentration nazi. Le titre de l’émission est Concentration, les participants à la téléréalité ont fait l’objet de rafles et sont arrivés à bord de wagons bondés.
Les personnes jugées aptes au travail se sont vus dépossédés de leur identité au profit d’un matricule tatoué dans leur chair, les autres (vieillards, enfants, bébés) ont été immédiatement gazés.
Et comme si l’horreur ne suffisait pas, tout se passe devant les caméras de télévision et le programme bat tous les records d’audience. Chaque jour, les téléspectateurs se repaissent des scènes de schlagues et des mises à mort tandis que les malheureux prisonniers se demandent comment le monde a pu devenir fou à ce point, comment les politiques peuvent-ils laisser faire jour après jour de telles exactions ?
Et en refermant ce roman, je comprends pourquoi ce titre est choisi par les professeurs de français car il y a beaucoup à dire et matière à discuter avec les adolescents autour de cette émission télé-réalité poussée à son extrême, là où l’homme atteint des sommets de barbarisme, la presse des sommets de complaisance, où l’odieux sert de divertissement aux masses laborieuses, qui en redemande tout en n’oubliant pas de s’indigner au passage.
Au-delà de la critique de la télé-réalité et des nombreux parallèles avec l’horreur des camps de concentration nazis, l’autrice aborde aussi l’importance du prénom, du langage et même de Dieu.
L’histoire, machiavélique, horrible, aurait pu tourner en rond mais il n’en est rien car Amélie Nothomb sait habilement tisser sa toile et une fois prise dans l’histoire, j’ai lu ce roman d’une traite, happée jusqu’à la chute finale que j’ai trouvé très simple mais aurait-il pu en être autrement je ne saurai le dire.
Le style un peu décalé d’Amélie Nothomb, son humour empêche le récit de tomber dans le pathos alors qu’elle nous donne à lire l’horreur absolue. Un livre provocateur, dérangeant que j’ai trouvé habile et que je compte bien faire lire à mes garçons d’ici quelque temps.
J’ai du mal avec cette autrice, je n’arrive pas à entrer dans son univers mais ses anciens titres me tente beaucoup, notamment celui-ci !
C’est un de mes romans préférés de cette autrice ! Il fait partie des romans qui m’ont amené à écrire un article sur la télé réalité dans la dystopie !
J’ai eu ma période Amélie Nothomb mais cela fait bien longtemps que je n’ai plus lu un de ses livres. Peut-être faudrait-il que je m’y remette.
Daphné