« Depuis l’arrivée de Charcot à la Salpêtrière, on dit que seules les véritables hystériques y sont internées. Mais le doute subsiste… »
Chaque année, à la mi-carême, se tient un très étrange bal, le Bal des Folles. Le temps d’une soirée, le Tout-Paris s’encanaille sur des airs de valse et de polka en compagnie de femmes déguisées en colombines, gitanes, zouaves et autres mousquetaires.
Cet événement joyeux en apparence cache une réalité bien plus sordide : ce bal costumé et dansant n’est rien d’autre qu’une des dernières expérimentations de Charcot, adepte de l’exposition des fous.
Réparti sur deux salles – d’un côté les idiotes et les épileptiques ; de l’autre les hystériques, les folles et les maniaques, ce bal étanche la curiosité des riches bourgeois venus voir de près ces folles.
Parmi elles, il y a Louise, une jeune fille abusée par son oncle ; Thérèse, la prostituée au grand cœur, qui, lasse d’être battue, a eu le tort de pousser son souteneur dans la Seine ; Eugénie Cléry, qui, parce qu’elle dialogue avec les morts, est envoyée par son père croupir entre les murs de cet hôpital qui ressemble bien plus à une prison qu’à un établissement de soins.
Car dès lors que l’on est admise dans le service du professeur Charcot et de ses assistants, on a bien peu de chance d’en sortir. Aux premières loges, il y a Geneviève, une infirmière en poste depuis vingt ans, dévouée corps et âme à la Salpêtrière et à Charcot, qu’elle vénère.
Mais l’arrivée d’Eugénie va faire vaciller les certitudes de l’infirmière et changer sa vie à jamais…
Le bal des folles est le premier roman de Victoria Mas et sans doute l’un des romans qui a fait le plus de bruit lors de cette rentrée littéraire. Cette thématique de l’enfermement des femmes m’intéresse beaucoup et je l’ai trouvé bien traité ici.
Cette lecture m’a rappelé deux romans que j’ai beaucoup aimé La salle de bal d’Anna Hope et La clé du cœur de Kathryn Hugues qui traitent du même sujet : l’internement de femmes dépressives mais aussi d’autres éprises de liberté et de ce fait, indésirables pour la société ou leurs familles.
Il vaut mieux en ce XIXè siècle, lorsque l’on est une femme, éviter de sortir des sentiers battus. C’est ce qui arrive à Eugénie qui, parce qu’elle confie à sa grand-mère son secret, communiquer avec les morts, se retrouve manu militari internée sans autre forme de procès, sans certificat médical et surtout sans espoir de retrouver la liberté car la figure masculine, à fortiori paternelle, est toute puissante et monsieur Cléry a fait une croix sur sa fille.
Victoria Mas, dans ce roman très bien documenté, nous propose de suivre le destin de ces femmes victimes d’une société masculine qui leur interdit toute déviance et les emprisonne.
Ce qui est intéressant ici, c’est de pénétrer dans le service du professeur Charcot qui a théorisé l’hystérie. Il donne chaque vendredi un cours magistral devant un parterre d’étudiants où il recrée les crises de ces patiences à grand renfort d’hypnose.
Ces méthodes jugées révolutionnaires à l’époque ne peuvent que nous choquer aujourd’hui puisqu’il s’agissait non pas de soigner les malades mais de leur faire reproduire des crises quitte à leur créer de graves séquelles.
Au-delà de cet aspect historique passionnant, l’autrice en profite pour dénoncer la condition de la femme à cette époque, en lien avec cette même psychiatrie car, comme je le disais plus haut, il ne fallait pas grand chose pour se retrouver diagnostiquée aliénée : des idées différentes un peu trop bruyantes, des envies d’indépendance, une rébellion contre la toute-puissance masculine, etc, étaient des tickets gagnants pour l’enfermement.
Louise, Eugénie et Thérèse n’avaient pas leur place dans cet hôpital, étant parfaitement saines d’esprits, mais Louise et Thérèse, victimes de violences masculines, vont préférer continuer à vivre dans ce gynécée plutôt qu’affronter à nouveau les hommes.
Le bal des folles est donc un roman vraiment très intéressant à plus d’un titre, de par son intrigue, ses personnages attachants, la question du patriarcat, l’enfermement et la remise en question des pratiques du professeur Charcot.
Si les thématiques de la condition féminine et de l’enfermement vous intéressent, je ne peux que vous conseiller ce roman au succès bien mérité !
Il va atterrir sous peu dans ma PAL, je le vends énormément à la librairie !
Lu et aimé, il m’a rappelé La salle de bal de Anna Hope 🙂
Il m’emballe, il m’emballe!!
Il est dans ma PAL et dès que j’ai un peu de tmeps…. 😉
[…] Rocco Giudicce, une histoire très banale et plate à mon goût. Une bonne pioche en revanche avec Le bal des folles de Victoria Mas qui raconte brillamment l’internement abusif des femmes au XIXème siècle. Et un […]