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Archive for the ‘Littérature japonaise’ Category

Emi Yagi est éditrice pour un magazine féminin au Japon. Elle est née en 1988 et vit à Tokyo. Journal d’un vide est son premier roman, pour lequel elle a remporté le prix Osamu Dazai, remis chaque année au meilleur premier roman japonais.

Puisqu’elle est la seule femme de son équipe, c’est Mme Shibata, une jeune trentenaire diplômée, qui hérite des tâches quotidiennes les plus ingrates. Faire le café, ranger la salle de réunion, laver les tasses sales de tous ses homologues masculins…

Mais un jour, dans un accès de rébellion non prémédité, elle refuse. L’odeur d’un mégot se consumant au fond d’une énième tasse de café lui donne la nausée. Du fait de sa grossesse, annonce-t-elle. Seule ombre au tableau : Mme Shibata n’est pas enceinte…

Journal d’un vide d’Emi Yagi est un récit plein d’audace et de surprises sur la maternité et la place des femmes dans le monde du travail au Japon.

Découpé comme un journal de bord, semaine après semaine, nous suivons l’héroïne tout au long de sa fausse grossesse. Même si son entourage professionnel est étonné, nul ne remet en doute cette grossesse bien que pendant des mois le ventre de Madame Shibata reste désespérément plat.

Au fil du roman, une mécanique folle se met en marche tandis qu’une nouvelle vie s’offre à notre héroïne. Sa condition la protège désormais des heures supplémentaires, de la photocopieuse et de la machine à café.

Elle peut enfin se reposer, rentrer plus tôt, prendre des cours d’aérobic prénatale, suivre sa grossesse grâce à une application et même… assister à sa première échographie.

Puis, alors que son ventre grossit et que la frontière avec la réalité s’estompe, une question demeure : jusqu’où cette « grossesse » peut-elle aller ?

C’est un roman vraiment surprenant et singulier que nous propose Emi Yagi. L’autrice nous fait découvrir le monde du travail à la nipponne, les relations sociales policées, le célibat…

Emi Yagi met aussi en lumière la place de la femme dans le milieu professionnel, dans la société en général et au sein de sa famille. Mais elle aborde aussi aussi la maternité, la solitude et le renouveau.

Je me rends compte au fur et à mesure de mes incursions dans la littérature japonaise contemporaine, combien la vie est extrêmement codifiée et si différente de nos existences d’occidentaux et ce roman est vraiment éclairant de ce point de vue.

J’ai beaucoup aimé suivre Madame Shibata dans son quotidien et lorsque l’on s’intéresse, comme moi, à la condition féminine, et aux romans qui l’abordent, c’est un récit réellement intéressant que cette problématique dans une société très traditionnelle, où la place de l’homme et de la femme est tellement codifiée.

Je vous le conseille si vous aimez la littérature japonaise ou que vous souhaitez la découvrir, il vaut vraiment le coup d’oeil.

Un grand merci aux éditions Robert Laffont pour cette pépite.

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Sôsuke Natsukawa est un écrivain et médecin japonais né en 1978 à Osaka. Son premier roman, Kamisama no Karute, a reçu les prix Shogakukan Fiction et Japan Bookseller Award et a été adapté au cinéma. Publié en 2017, Le chat qui voulait sauver les livres a été un best-seller au Japon et à l’international, traduit dans 36 langues.

Rintarô Natsuki, lycéen flegmatique, est sur le point de fermer la librairie héritée de son grand-père qui vient de décéder quand il reçoit une visite inattendue.

Au milieu des livres, il découvre un gros chat brun tigré, un chat qui parle ! Et ce félin exprime une requête plutôt inhabituelle : il demande – ou plutôt exige – l’aide de l’adolescent pour aller sauver des livres.

Le monde serait en effet peuplé de livres solitaires, non lus et mal aimés que le chat et Rintarô se doivent de libérer de leurs propriétaires négligents.

Le duo atypique se lance alors dans une quête périlleuse au coeur de labyrinthes extraordinaires…

Le chat qui voulait sauver les livres est une ode à la lecture et à l’imagination qui n’est pas sans rappeler le roman d’Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince.

L’histoire, teintée de fantastique, se découpe en quatre grands chapitres, les dédales, qui représentent chacun une mission de sauvetage de livres réalisée par Rintarô et Tigre.

Dans ce conte onirique, le livre est donc mis à l’honneur mais pas que puisqu’il aborde aussi le deuil, la famille et l’amitié !

Sôsuke Natsukawa offre des pistes de réflexions aux lecteurs que nous sommes quant à notre rapport aux livres, notre consommation, notre rythme de lecture, nos goûts…

Le lecteur est décortiqué dans sa façon d’appréhender sa lecture et ses choix ainsi que son effet sur les librairies, les bibliothèques et les éditeurs.

J’ai trouvé ce procédé bien vu même si l’auteur reste en surface à grands renforts d’allégories et de paraboles, pas toujours si faciles que cela à comprendre.

Pour ma part, j’aurais aimé passer plus de temps dans la merveilleuse librairie Natsuki, pleine de chefs d’oeuvre et que l’auteur nous parle davantage de littérature que de consommation.

L’histoire ne me restera donc pas longtemps en mémoire mais j’ai trouvé dans l’ensemble ce roman agréable à lire et porteur de vraies interrogations sur le monde du livre et les lecteurs.

Je connais très peu la littérature japonaise mais j’ai trouvé celui-ci idéal pour continuer à me familiariser avec cette littérature poétique et orinirique.

Un grand merci aux éditions Nil pour cette lecture qui ne manque pas d’intérêts !

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Né à Tokyo en 1962, Durian Sukegawa est poète, écrivain et clown, diplômé de philosophie et de l’École de pâtisserie du Japon. Après une carrière de scénariste, il fonde en 1990 la Société des poètes qui hurlent, dont les performances alliant lecture de poèmes et musique punk défraient la chronique. De 1995 à 2000, il anime sur les ondes d’une radio nationale une émission nocturne plébiscitée par les collégiens et les lycéens. Il est l’auteur de nombreux romans et essais.

« Écouter la voix des haricots »  : tel est le secret de Tokue, une vieille dame aux doigts mystérieusement déformés, pour réussir le an, la pâte de haricots rouges qui accompagne les dorayaki, des pâtisseries japonaises.

Sentaro est un cuisinier désabusé qui tient une boutique de dorayaki qu’il prépare machinalement, sans imagination particulière. Un jour, alors qu’il recherche une aide pour sa boutique, une très vieille dame, Tokue, se propose pour l’emploi mais Sentaro la refuse car il la trouve trop âgée.

Sentarô, accepte malgré tout d’embaucher Tokue dans son échoppe, en dépit de son âge et de ses doigts déformés. Le succès arrive et Sentarô voit sa clientèle doubler du jour au lendemain, conquise par ses talents de pâtissière.

Mais la vieille dame cache un secret moins avouable et disparaît comme elle était apparue, laissant Sentarô interpréter à sa façon la leçon qu’elle lui a fait partager.

Le Japon est un pays qui me fascine et que je rêve d’aller visiter mais mes incursisions dans sa littérature doivent se compter sur les doigts d’une main. C’est pour cette raison que Les délices de Tokyo de Durian Sukegawa a rejoint ma PAL pour en sortir quasi-immédiatement.

Et comme j’ai bien fait car j’ai beaucoup aimé cette histoire que j’ai trouvé terriblement belle et émouvante. A travers cette rencontre entre Sentarô le désabusé et Tokue l’optimiste, Durian Sukegawa nous raconte une autre histoire, que je ne connaissais pas du tout.

Ce roman nous relate en effet la tragédie subie par des milliers de personnes au Japon, atteintes de la maladie de Hansen, qui même une fois réhabilitées, ne peuvent pourtant que difficilement exister dans la société.

L’histoire est assez triste sans jamais être plombante. Tokue est une femme très attachante et la tragédie qu’elle a vécue est réellement bouleversante. Malgré tout ce qu’elle a traversé, elle est généreuse, lumineuse et pleine d’optimiste, une belle leçon de vie qui va inspirer Sentarô et le sortir de sa dépression et de son alcoolisme.

Deux personnages attachants, au passé riche et lourd qu’on a plaisir à suivre de la première à la dernière page. Une grand-mère comme on aimerait tous en avoir, qui a tant à nous apprendre. Les générations se rencontrent et se lient d’une amitié profonde.

La plume de Durian Sukegawa est très jolie, le récit se lit très bien et permet de voyager jusqu’au Japon et ses cerisiers en fleurs depuis son canapé à défaut de pouvoir réellement y aller. Je vous le conseille !

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Depuis l’enfance, Keiko Furukura a toujours été en décalage par rapport à ses camarades. A trente-six ans, elle occupe un emploi de vendeuse dans un konbini, sorte de supérette japonaise ouverte 24h/24. En poste depuis dix-huit ans, elle n’a aucune intention de quitter sa petite boutique, au grand dam de son entourage qui s’inquiète de la voir toujours célibataire et précaire à un âge où ses amies de fac ont déjà toutes fondé une famille. En manque de main-d’oeuvre, la supérette embauche un nouvel employé, Shiraha, trente-cinq ans, lui aussi célibataire.

Keiko Furukura est depuis toujours en marge. Née dans une famille traditionnelle, avec un père comptable, une mère au foyer et une jeune sœur, elle n’a manqué ni de confort ni d’affection.

Et pourtant, dès son plus jeune âge, elle a un comportement singulier, vivant sans filtre et ne sachant quelle attitude adopter face aux autres. Alors, elle prend le pli de faire comme tout le monde afin de ne pas s’attirer l’attention d’autrui, répétant des discours qu’a inventé pour elle sa sœur cadette.

Pour faire court, Keiko a tout d’une autiste mais ça personne ne s’en rend compte, même pas elle. Son entourage la voit davantage comme une malade qu’il secoue de temps à autre, sans résultat.

A l’âge de dix-huit ans, elle quitte le foyer familial pour l’université, et afin de ne pas être une charge pour ses parents, elle obtient un poste de vendeuse à temps partiel dans une konbini, une petite supérette très répandue au Japon.

Dix-huit ans plus tard, Keiko occupe toujours le même emploi au grand dam de ses parents, de sa sœur, de ses amies et plus généralement de toute la société japonaise. A son âge, elle devrait être soit mariée et maman au foyer soit en poste dans une grande société…

Sayaka Murata a trente-six ans et quelques points communs avec son héroïne Keiko Furukura : l’âge et un emploi dans une supérette. Konbini a reçu plusieurs prix dont le prix Akutagawa et a connu un succès fulgurant au Japon avec des centaines de milliers d’exemplaires écoulés et un très bon accueil de la critique.

Dans ce court roman, Sayaka Murata pose un regard décapant sur la société japonaise contemporaine en mettant en scène une héroïne non conforme d’après les normes nipponnes.

Pourtant, Keiko s’épanouit dans ce travail, se sent bien dans son Konbini, rassurée par le quotidien s’écoulant au rythme des jours, des heures, des réductions et des nouveautés, dans une routine qui l’apaise et la berce. Sa famille et ses amies lui font sentir le poids de son célibat et de son choix professionnel manquant singulièrement d’ambition.

La pression sociale au Japon est grande, la société reste très traditionnelle : c’est l’homme qui doit assurer la vie du foyer et la femme, s’occuper de ses enfants et de son intérieur. La plupart des employés de konbini sont des étudiants, des « freeters » (personnes accumulant des petits boulots souvent jeunes) ou des femmes au foyer voulant s’occuper pendant que leurs enfants sont à l’école.

Le fait qu’à son âge, Keiko n’ait aucune relation sentimentale, ne cherche pas de mari ni de travail plus ambitieux est suspect aux yeux de ses proches. Ce roman n’est pas une critique de la société nipponne mais plutôt une véritable ode à la différence.

Keiko, est un personnage singulier, perdue dans cette société normalisée, stigmatisée par son entourage qui se permet de la juger, je l’ai trouvé touchante dans sa difficulté à s’intégrer dans cette société où l’individu est moins important que le collectif. Comme je ne connais pas vraiment la société japonaise, j’ai trouvé cette lecture agréable et totalement dépaysante d’autant que l’auteure nous donne les clés pour comprendre tout au long du récit à travers les dialogues et les réflexions de son héroïne.

Ma première incursion dans la littérature japonaise m’a intrigué et je compte bien m’intéresser dans le futur à la littérature asiatique et nippone en particulier, si vous avez des titres à me conseiller, je suis preneuse !

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