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Archive for the ‘Littérature russe’ Category

À la fois fin styliste et créateur du roman psychologique, Lermontov est le précurseur de Tolstoï et de Dostoïevski.

Georges et Vièrotchka se sont aimés plusieurs années auparavant, puis se sont perdus de vue.

Lorsqu’ils se retrouvent le 21 décembre 1833, à Saint-Pétersbourg, il est devenu un jeune officier de la Garde, cynique et un peu cruel. Elle, s’est mariée avec le vieux et peu séduisant Prince Ligovskoï.

Bien sûr, leurs sentiments ne tardent pas à renaître…

Comme vous le savez, j’aime beaucoup la littérature russe et j’étais très curieuse de découvrir Michel Lermontov, disparu bien trop tôt, à la faveur d’un duel, comme son contemporain Alexandre Pouchkine.

Roman inachevé, La Princesse Ligovskoï, écrit en 1822, nous propose une admirable peinture psychologique de deux jeunes mondains russes du début du XIXè siècle, ainsi qu’une brillante évocation du Saint-Pétersbourg de 1830.

L’intrigue ne sort guère des sentiers battus en cette période phare du romantisme : un homme et une femme s’aiment puis finissent par se perdre de vue et se retrouvent lorsque leur amour est impossible.

Vièrotchka s’est mariée, elle n’est donc plus libre d’épouser l’homme qu’elle aime. Un thème qui n’est pas neuf et qu’on a lu à plusieurs reprises dans la littérature russe.

Mais l’important est ailleurs. Ce qui m’a cueillie ici dès les premières lignes, c’est la plume de Lermontov, qui m’a totalement séduite et happée. Se fondant sur ses expériences et des personnages réels, Lermontov décrit avec aisance et une certaine désillusion acide, la société pétersbourgeoise de son époque. Et c’est véritablement brillant.

J’ai cependant quelques bémols. Une qui n’est nullement la faute de l’auteur mais la mienne, je pensais à tort, que La princesse Ligovskoï était une nouvelle et non un roman inachevé, je suis donc restée sur ma faim au moment où cela devenait le plus intéressant !

L’autre bémol, ici la faute de l’auteur, c’est que je n’ai pas compris où Lermontov voulait en venir exactement, le savait-il lui-même ? Est-ce pour cela qu’il ne l’a pas achevé ?

L’auteur part dans plusieurs directions, hésite, puis finalement abandonne ce récit pour se consacrer à son grand roman, Un héros de notre temps.

A-t-il abandonné cette histoire faute d’inspiration ? Je ne saurai le dire mais je regrette en tout cas qu’il ne soit pas venu au bout de cette intrigue pleine d’humour parfois assez vachard.

Bien que je sois restée sur ma faim, je suis ravie d’avoir découvert la plume exquise de Michel Lermontov, et si vous aimez la littérature russe, je ne peux que vous conseiller de découvrir cet auteur à votre tour.

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Lu dans le cadre du Cold Winter challenge

Né en 1828 à Isnaïa Poliana, dans la province de Toula, Léon Tolstoï partagea sa vie entre l’exploitation de son domaine familial, de nombreux voyages en Europe et la littérature. La Guerre et la Paix, paru en 1867, remporta un immense succès, confirmé par la publication d’Anna Karénine (1875-1877). Dans les dernières années de sa vie, son activité philanthropique et sociale va de pair avec ses œuvres pédagogiques et philosophico-religieuses. Il est mort en 1910.

Après une longue journée de réunions, décrets et audiences, le jeune tsar s’endort en attendant sa femme pour le réveillon. Lorsqu’il rouvre les yeux, il n’est plus dans son palais mais à la frontière avec la Prusse et voit un soldat tirer sur un contrebandier. Toute la nuit, il voyage ainsi à travers la Russie et prend peu à peu conscience du poids des responsabilités qui lui incombent…

Le réveillon du jeune tsar est un court recueil de quatre nouvelles qui m’a permis de renouer avec le grand auteur russe Leon Tolstoï. Au menu de cet ouvrage : Les mémoires d’un fou, Une âme simple, Ainsi meurt l’amour et Le réveillon du jeune tsar, la nouvelle la plus travaillée et qui donne naturellement son nom au recueil.

Ces brèves nouvelles extraites des « Oeuvres posthumes » de Léon Tolstoï permet aux néophytes de se mesurer à l’auteur et invite à aller plus avant dans la découverte du grand romancier russe, très croyant, et engagé dans les combats contre l’injustice sociale et la pauvreté de la paysannerie.

Et ces combats se ressentent dans son œuvre et notamment dans ces quatre contes qui nous entrainent au cœur de la Russie tsariste de la fin du XIXè siècle. Il est question des sentiments humains (orgueil, avarice, amour, cruauté, mysticisme, pitié..), du tsar et de ses lois, de leur impact sur les moujiks, de la bonne société russe francophile…

Tolstoï parle aussi beaucoup de la foi et de la religion qui permettent à tous les russes, petits et puissants, d’être égaux devant Dieu.

Si elles sont courtes et peu marquantes, ces quatre nouvelles sont néanmoins très intéressantes. Elles abordent des thématiques encore pertinentes pour nous lecteurs du 21è siècle : le mysticisme (Les mémoires d’un fou), l’amour (Une âme simple), la politique (Le réveillon du tsar) et le romantisme (Ainsi meurt l’amour).

Si ma préférée est Une âme simple, j’ai beaucoup apprécié Le réveillon du jeune tsar et Ainsi meurt l’amour.

Tostoï nous invite, le temps de notre lecture, à un voyage dans une Russie qu’on imaginait éternelle au temps du tsar et qui ne ressemble pas du tout à celle de Vladimir Poutine.

Un recueil qui mérite d’être lu et que je vous conseille si vous n’osez pas vous frotter aux deux œuvres emblématiques de Tolstoï que sont La guerre et la paix et Anna Karénine.

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« Figurez-vous un mari dont la femme, une suicidée qui s’est jetée par la fenêtre il y a quelques heures, gît devant lui sur une table. Il est bouleversé et n’a pas encore eu le temps de rassembler ses pensées. Il marche de pièce en pièce et tente de donner un sens à ce qui vient de se produire. »

Dostoïevski lui-même définit ainsi ce conte dont la violence imprécatoire est emblématique de son œuvre.

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Dostoïevski est l’auteur russe que j’ai le plus lu pendant mes études de lettres, il faut dire que tous mes UV de littérature étrangère, je les ai passés en littérature russe. A cette occasion, j’ai découvert Gogol, Pouchkine, Zamiatine et surtout Dostoïevski. Mais depuis ma sortie de la fac, j’avoue que j’ai laissés de côté tous ces auteurs, à tort, et j’ai eu envie de profiter du challenge Un hiver en Russie pour me replonger dans la littérature russe. Mon choix s’est porté évidemment sur Dostoïevski et sur La Douce, une nouvelle parue en 1876.

Cette nouvelle est en fait un long monologue du mari face au cadavre de sa femme. L’auteur est un habitué des monologues, notamment dans Les carnets du sous-sol que je vous recommande au passage. Comme point de départ, je vous concède qu’il y a plus gai comme sujet, mais les romans russes du 19è sont rarement drôles. Ce long monologue, enfiévré et délirant, nous raconte l’histoire de cet homme et de sa jeune femme suicidée. Le narrateur est un soldat exclu de l’arme car il n’a pas voulu se prêter à un duel. Il va connaitre la faim et la misère et décide de faire contre mauvaise fortune bon coeur en devenant prêteur sur gage. L’homme n’a qu’un but : amasser 30 000 roubles dans les 3 ans afin de laisser sa caisse d’usurier pour un état plus convenable. Avare, il l’est assurément, mais ça ne l’empêche pas de tomber amoureux d’une de ses voisines, une jeune fille d’à peine 16 ans, orpheline et sans ressource, maltraitée et asservie par deux vieilles tantes. Il achète sa liberté contre monnaie sonnante et trébuchante car il souhaite l’épouser et surtout faire son bonheur. Malheureusement, tout ne se passera pas comme prévu, et la jeune fille profitera d’une de ses absences, pour se jeter par la fenêtre.

L’homme tente de se justifier face à ce drame mais nous démontre aussi que l’argent ne fait pas tout. Au fil des pages, il nous raconte sa douleur de l’avoir perdu alors qu’il voulait tant faire son bonheur, il est en état de choc devant le drame qu’il n’a pas su éviter et qu’il regrette amèrement. C’est son incompréhension aussi devant le corps de sa femme et sa peur de rester seul avec sa douleur, une fois le corps emporté, dans quelques heures. Si l’homme est malheureux, il n’en reste pas moins vénal, médiocre, ridicule et lâche.

La défunte, elle, apparait lumineuse et solaire. C’est une jeune fille de 16 ans, enthousiaste, généreuse et sensible qui se retrouve face à un homme mûr et pingre, qui veut la tenir en cage. Elle n’a aucun droit, notamment celui de sortir sans lui, elle n’a rien, et il le lui dit très clairement. Il se révèle autoritaire, froid et taciturne avec elle et lui reproche sa générosité avec une cliente dans leur établissement de prêts sur gages. Elle rencontre alors un autre homme ayant appartenu au même régiment que son mari, celui-là même avec qui il avait refusé de se battre en duel. Elle devient alors humiliante, il la rejette, elle tombe malade mais il comprend à ce moment-là qu’il est fou d’elle. Il veut changer, lui montrer qu’il l’aime, se promet de se montrer plus généreux mais c’est trop tard.

Fédor Dostoïevski nous décrit ici un mariage voué à l’échec, totalement contre nature. Raconté du point de vue de l’époux, le récit est une confession enfiévrée et tragique. Cette nouvelle, quoique tragique, vaut la peine d’être lue, même si je ne suis pas sûre de vous avoir donné envie de le faire !

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Lu dans le cadre du challenge Un hiver en Russie :

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La quête d’absolu s’accorde mal aux convenances hypocrites en vigueur dans la haute société pétersbourgeoise de cette fin du XIXe siècle. Anna Karénine en fera la douloureuse expérience. Elle qui ne sait ni mentir ni tricher – l’antithèse d’une Bovary – ne peut ressentir qu’un profond mépris pour ceux qui condamnent au nom de la morale sa passion adultère. Et en premier lieu son mari, l’incarnation parfaite du monde auquel il appartient, lui plus soucieux des apparences que véritablement peiné par la trahison d’Anna. Le drame de cette femme intelligente, sensible et séduisante n’est pas d’avoir succombé à la passion dévorante que lui inspire le comte Vronski, mais de lui avoir tout sacrifié, elle, sa vie de femme, sa vie de mère.

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Il est difficile de parler de ce roman fleuve sans dévoiler toute ou partie de l’intrigue. Écrit dans le dernier tiers du 19è siècle, il décrit la société tsariste à merveille et tous les bouleversements qu’elle est en train de vivre, qui mèneront quelques décennies plus tard à l’avènement du bolchévisme.

C’est un roman sur l’amour et sur le couple au fond très moderne, pas du tout daté, et qui nous parle encore à nous lectrices du 21è siècle avec force. Si la trame du récit est le destin d’Anna, qui va se nouer et se dénouer dans une gare, il met aussi en scène de multiples personnages plus ou moins secondaires dont les noms m’ont parfois un peu perdue. Vous le savez sans doute si vous avez déjà lu les grands auteurs russes du 19è que sont Dostoïevski, Gogol, Pouchkine…, les personnages sont tantôt nommés par leurs prénoms et tantôt par leurs noms, et j’ai eu un peu de mal au début à m’y retrouver.

Au-delà de l’histoire d’amour entre Anna et Vronski, le roman foisonne d’histoires parallèles qui mettent en scène le couple et la réalité de la vie conjugale, LE sujet central d’Anna Karénine. L’auteur revient sur beaucoup de thèmes qui lui sont chers comme le mariage, la religion ou la condition des paysans, j’y ai pour ma part appris beaucoup de choses sur la noblesse russe qui n’est au fond pas si différente des noblesses françaises et anglaises par exemple. Il est aussi beaucoup question de politique avec notamment la montée du communisme parmi l’élite intellectuelle de St Petersbourg et de Moscou, et l’administration du tsar. Tolstoï aborde également les dernières évolutions sociétales de la noblesse russe avec le divorce désormais autorisé, à condition que le couple réponde à certaines obligations et il en profite au passage pour égratigner les avocats et les tribunaux.

La narration alterne successivement entre Anna, Vronski, Karénine, Levine, Kitty, Daria et Oblonksi, permettant à chacun de donner son point de vue, ce qui explique aussi l’épaisseur du roman et la lassitude que certaines ont pu avoir à la lecture de ce roman, par moment j’avoue que j’ai été tentée de sauter des passages pour aller plus vite, car cette répétition d’évènements qui revient comme une rengaine m’a un peu lassée par moment même si les personnages féminins m’ont beaucoup intéressés.

Cette photographie de la Russie de cette fin du 19è insiste sur la réalité de la vie conjugale, sur le fait que les mariés ne se connaissent pas du tout avant de se dire oui et qu’il peut y avoir de mauvaises surprises et beaucoup d’incompréhension. Tolstoï se sert des personnages de Levine, le rural, et de Kitty, l’aristocrate citadine, pour montrer le fossé qu’attendent chacun du mariage, bien qu’ils soient très amoureux. Le couple Daria, sœur de Kitty et Oblonksi, frère d’Anna, forme le couple usé par la vie conjugale. Daria enchaine les grossesses et trouve son accomplissement dans sa vie de maman et dans les plaisirs simples qu’affectionnent Tolstoï, tout en étant malheureuse de l’éloignement de son mari, dont elle est encore très amoureuse, qui lui, enchaine les liaisons. Le couple Anna et Karénine forme le mariage d’intérêt dont se contentait la jeune femme avant de tomber amoureuse de Vronski.

Il y est aussi question d’asservissement, paysan tout d’abord, ce qui correspond à une prise de conscience des intellectuels de l’époque qui cherchent à connaître le peuple et ses aspirations, Karénine sera d’ailleurs chargé d’une enquête à ce sujet qui l’emmènera dans plusieurs provinces russes ; d’asservissement des femmes aussi, qui ont nettement de droits que leurs maris. Le destin d’Anna, femme adultère, est exemplaire à ce titre de ce que doit subir la femme qui souhaite mener une vie libre et sans entrave. Elle va devoir abandonner son fils et toute sa réputation pour l’homme qu’elle aime et dont elle sera mal payée en retour.

Il y a encore beaucoup de choses à dire sur Anna Karénine mais je préfère vous encourager à le lire car il est assez passionnant, surtout si vous vous intéressez à la Russie, même s’il m’a fallu faire des pauses dans ma lecture, cela reste un roman majeur à lire absolument.

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Lu dans le cadre d’une lecture commune avec Claire et des challenges Un hiver en Russie, Romans cultes et Le tour du monde en 8 ans :

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« Une accoucheuse qui avait appris son art à la maternité de l’Hôtel-Dieu de Paris sous la direction de la fameuse Louise Bourgeois délivra le 13 janvier 1622 la très aimable madame Poquelin, née Cressé, d’un premier enfant prématuré de sexe masculin. Je peux dire sans crainte de me tromper que si j’avais pu expliquer à l’honorable sage-femme qui était celui qu’elle mettait au monde, elle eût pu d’émotion causer quelque dommage au nourrisson, et du même coup à la France. »

Mikhaïl Boulgakov est un passionné de théâtre et de Molière, c’est aussi un fin connaisseur du théâtre français du 17è siècle et de ses comédiens : la rivalité entre les différentes troupes et les théâtres de Paris est ici très bien rendue.

Le roman de Monsieur de Molière est une biographie romancée certes mais avant tout une biographie, tout ce qui y est relaté est vrai, Mikhaïl Boulgakov a simplement préféré rendre hommage à Molière de façon très vivante et il y réussit fort bien.

Le style est enlevé, les propos amusants, et pour celles et ceux qui ne connaissent pas du tout la vie de Molière, ils y découvriront, comme moi, un acteur devenu auteur par la force des choses et qui n’avait qu’un rêve : briller en tragédien alors que ce genre ne lui a apporté que douleurs et désastres. Les acteurs déclament à cette époque les vers avec force emphase, de façon exagérée, alors que Molière avait une approche très moderne pour l’époque, plus proche de nos comédiens actuels. Son jeu d’acteur ne plaisait donc pas et il s’enfonçait dans la pauvreté et la ruine en persistant dans un genre dans lequel on ne lui reconnaissait aucun talent.

La petite troupe qu’il formait avec Madeleine Béjart, Marquise du Parc et tant d’autres a connu bien des écueils avant de se couvrir de gloire. Et les échecs furent très nombreux puisque Molière s’obstinait dans la tragédie, essentiellement celles de Pierre Corneille, très à la mode, jusqu’au jour où il a commencé à écrire des farces et des courtes pièces, car à cours d’argent, il ne pouvait plus acheter de pièces. Son but était en effet de devenir un grand comédien et non un auteur, si Molière l’acteur avait connu le succès, Molière l’écrivain n’aurait jamais vu le jour !

S’inspirant de pièces espagnoles et surtout de la Comedia dell’arte, élève du célèbre Polichinelle, Molière reprend à son compte des pièces qui ont connu le succès en Espagne et en Italie. Il a de grandes facilités pour écrire, il écrit vite, sa troupe répète tout aussi vite, toujours dans l’urgence, car il leur faut à tout prix de gagner de l’argent et surtout, attirer à eux les puissants, très convoités, et rechercher leurs protections, en échange de quelques dédicaces. Certaines pièces sont mises sur pied en trois jours seulement, écriture comprise.

Mikhaïl Boulgakov revient également sur les querelles qu’ont provoquées les pièces de Molière : des Précieuses Ridicules au Tartuffe, en passant par le Bourgeois Gentilhomme, entre autres, Molière doit se battre avec la censure mais aussi avec les bourgeois et nobles qui se reconnaissent dans les personnages de ses pièces, et qui veulent les interdire.

Si vous souhaitez vous familiariser avec le théâtre du 17è siècle ou avec Molière, le roman de Monsieur de Molière est pour vous, vous y passerez un très bon moment de lecture, tout comme moi.

Lu dans le cadre du Challenge Le règne de Louis XIV et du Challenge Biographie

    

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