Nicole Giroud, d’origine franco-suisse, vient d’un milieu paysan. Romancière et historienne, elle est attentive au contexte historique et social autant qu’à l’écriture.
Pour échapper au morne quotidien de la maison de retraite, chaque soir, Amandine Berthet offre à ses compagnons d’infortune une évasion : tous s’envolent en pensées vers le Brésil et le delta de l’Amazonie.
C’est là qu’Amanda, le double imaginaire d’Amandine, a passé son enfance mouvementée. Amandine déploie cette histoire fantastique, raconte la passion destructrice qui animait ses parents, décrit sa nourrice, la vieille indienne Maraja et ses potions qui soignent, et puis les cafezihno, ces petits cafés très sucrés qu’elle aimait tant…
Pourtant, la réalité d’Amandine est bien éloignée de ce conte si romanesque et exotique. Née dans une famille paysanne marquée par la pauvreté, elle passera sa vie aux côtés d’un homme violent. Une petite vie, étriquée, fanée.
Alors, quand Amandine entrevoit la possibilité de réellement s’évader de la maison de retraite, elle n’hésite pas. Cette fois, elle veut vivre la vie en grand. Peut-être pourra-t-elle même, pour la première fois, voir la mer.
Avec Par la fenêtre, Nicole Giraud, dont c’est le second roman après L’envol du sari, nous propose une histoire bouleversante sur la vie et les regrets, sur les rêves enfouis et ceux que l’on réalise.
Amandine a connu une vie conjugale malheureuse, battue et harcelée par son mari. Une fois celui-ci décédé, elle a pensé être enfin libre mais il n’en a rien été, elle est obligée d’obéir à son fils qui a fini par la placer dans un EMS (établissement médico-social) en suisse. Un établissement propret et de standing, idéal pour ce grand bourgeois.
Elle sera mieux ici lui assure Jean, ce fils chéri auquel elle a tout sacrifié, en compagnie des autres pensionnaires, avec des activités soi disant pensées pour elle. Amandine est loin d’en être convaincue mais plutôt que de glisser vers la tristesse et le renoncement, elle décide de raconter des histoires dans lesquelles elle met en scène son double Amanda, qui vivait en Amazonie.
Comme Amandine l’avait déjà fait dans son couple en s’évadant grâce aux livres qu’une voisine lui prêtaient en cachette, elle va s’évader dans son EMS, ses mots sont plus que jamais sa liberté d’être, de penser, de parler. Plusieurs fois par semaine, elle raconte sa vie rêvée, celle d’Amanda, son double fantasmé. Ses amis l’écoutent subjugués, captivés par ses histoires, en redemandent même.
Si les premiers chapitres, je me suis sentie un peu perdue entre les vies multiples qu’invente Amandine, une fois bien coulée dans l’histoire, j’ai été moi aussi captivée par les récits de notre héroïne, portée par la plume délicate de Nicole Giroud.
J’ai trouvé ce roman magnifique et réellement bouleversant, je l’ai même refermé, les yeux bien humides tant j’ai été émue par Amandine. L’autrice évoque avec beaucoup de justesse, de subtilité et de pudeur la vieillesse, la famille, les violences conjugales, les enfants qui abandonnent leurs parents dans des endroits en se disant qu’ils y seront bien et les y oublie tout à fait, le quotidien bien morne et terriblement cadré de nos aînés.
Un récit intimiste, sur le fil, avec un épilogue qui fait monter les larmes et que je vous conseille vivement.
Un grand merci aux éditions Les escales pour cette très belle lecture.