Certaines inscriptions funéraires possèdent un singulier pouvoir d’évocation ; leur lecture fait surgir le fantôme de personnes disparues depuis parfois des siècles. Blandine Le Callet réunit ici des épitaphes authentiques, à partir desquelles elle imagine les dernières heures, les derniers jours ou les derniers mois du défunt. Dix destins arrêtés par des morts douces ou violentes, subites ou prévisibles, solitaires ou collectives.
Hermès, jeune esclave lettré d’Herculaeum est le précepteur des enfants de la maison. A son retour de voyage, le maître l’affranchira.
Blandinia, la femme très aimée de Pompeuis Catussa, l’artiste stucateur de Lyon, arrachée à la misère et à un père violent.
La belle Sybille de Conversano, qui a dû quitter le soleil de son Apulie natale, s’étiole dans le froid normand où l’a menée son époux.
Julien et Marguerite de Ravalet Tourlaville, frère et soeur condamnés à être décapité pour inceste et adultère en place de Grève.
Un cul béni trouvant la mort dans une maison close alors que la tenancière tente d’intégrer son oeuvre de charité et qu’il n’a qu’une hâte, prendre la fuite.
Incapable de mener ses grossesses à terme, une femme prie de toute son âme pour que l’enfant qu’elle porte, à défaut de vivre, puisse au moins être baptisé et enterré en terre chrétienne et non envoyé dans les limbes comme ses autres petits enterrés sous une rangée d’hortensias.
Une vieille femme est à l’agonie. Soucieuse d’établir un testament équitable, elle a noté dans ses petits carnets ce qui reviendra à chacun de ses héritiers.
Et pour finir, un pan de l’histoire familiale de l’auteure elle-même, partie sur les traces de ses aïeux en Bretagne.
Voilà les dix rêves de pierre imaginés par Blandine Le Callet à partir d’épitaphes véridiques, glanées dans des cimetières et qui nous emmène du IIè siècle à nos jours en passant par le Moyen-Age, le début du XVIIè siècle et le XIXè.
Dix nouvelles absolument merveilleuses me confirment tout le talent de cette romancière qui s’essaie ici avec brio aux nouvelles, un genre pour lequel j’ai assez peu de goût il faut bien le dire et bien ici je suis totalement sous le charme. Et dans chaque texte, un fil rouge, un chien qui apparaît alors que la mort arrive.
Toutes ces nouvelles sont emplies d’amour et ne manquent pas d’émotion, plusieurs fois j’ai eu les larmes aux yeux devant ces destins tragiques et ces vies fauchées dans la fleur de l’âge.
Des nouvelles tour à tour poétiques, nostalgiques ou piquantes dans lesquelles Blandine Le Callet sait ménager ses effets, bien servies par la plume limpide de l’auteure qui après m’avoir fait aimé la dystopie dans La ballade de Lila K, me séduit une fois de plus avec des nouvelles, pourtant pas ma tasse de thé, à part celles de Maupassant pour lesquelles j’ai une tendresse toute particulière.
Avec un sujet original et intriguant mais aussi très risqué, Blandine Le Callet a su me faire rire et m’émouvoir sans jamais tomber dans le pathos ou le lacrymal, elle évite tous les écueils dans lesquels elle aurait pu tomber par facilité et rend un bel hommage à tous ces disparus.
Dix rêves de pierre est un recueil absolument formidable et finalement un hymne à la vie et à l’amour, à lire absolument !