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Posts Tagged ‘Ce genre de petites choses’

Née en 1968 en Irlande, Claire Keegan est une femme de lettres. Son premier recueil de nouvelles, L’Antarctique, publié en 1999, a obtenu de nombreux prix dont le Rooney Prize for Irish Literature en 2000 et son récit Les trois lumières a été lauréat du Davy Byrnes Irish Writing Award en 2009. Saluée comme une des voix importantes de la nouvelle génération des écrivains irlandais, elle est traduite en une dizaine de langues.

En cette fin de 1985, Bill Furlong, le marchand de bois et charbon, a fort à faire. Parmi ses commandes, une livraison pour le couvent voisin. Le bruit court que les sœurs y exploitent à des travaux de blanchisserie des filles non mariées et qu’elles gagnent de l’argent en plaçant à l’étranger leurs enfants illégitimes. L’épouse de Bill, Eileen, est d’avis que de telles choses ne les concernent pas.

Un avis qu’il a bien du mal à suivre par ce froid matin de décembre, lorsqu’il reconnaît, dans la forme recroquevillée et grelottante au fond de la réserve à charbon, une très jeune femme qui y a probablement passé la nuit. Tandis que, dans son foyer et partout en ville, on s’active autour de la crèche et de la chorale, cet homme tranquille et généreux n’écoute que son cœur.

J’avais eu un immense coup de coeur pour Les trois lumières, j’attendais donc avec impatience la sortie poche de son nouveau roman Ce genre de petites choses. Claire Keegan, avec une intensité et une finesse qui donnent tout son prix à la limpide beauté de ce récit, dessine le portrait d’un héros ordinaire, un de ces êtres par nature conduits à prodiguer les bienfaits qu’ils ont reçus.

Un roman très court que j’ai lu d’une traite avec plaisir et intérêt. Je garderai en mémoire le souvenir de Bill, notre héros, un personnage fort, tranquille, déterminé, décrit avec une grande précision par l’auteur. C’est un héros qui a une véritable épaisseur.

Le récit est court mais percutant sur la force nécessaire pour s’élever contre l’idée commune et sur les répercussions que cela peut avoir sur soi-même. Avec en toile de fond, à quelques jours de Noël, les couvents de Sainte Madeleine, de triste réputation.

Dans cette Irlande très croyante, les Magdalena sisters ont, entre 1922 et 1996, accueilli 10 000 Irlandaises rejetées par la société. Cette institution catholique était chargée de leur rééducation. En réalité, les jeunes filles étaient enfermées et exploitées par les nonnes, qui leur donnaient des travaux de blanchisserie tout en les humiliant afin de les « laver de leurs péchés ».

La plupart de ces femmes étaient des orphelines, souffraient de problèmes psychiatriques, avaient été arrêtées pour de petits délits, ou encore, avaient été violées ou rejetées par leur famille. En 2014, pas moins de 800 cadavres de bébés ont été identifiés dans une fosse commune près de l’un de ces couvents. Ils appartenaient à ces femmes tombées enceintes hors mariage qui avaient ensuite confié leur nouveau-né aux bonnes sœurs.

Et on comprend à la lecture de de récit, comment elles ont pu agir ainsi pendant soixante-dix ans en toute impunité car si Bill est choqué lorsqu’il se rend compte de la maltraitance qui sévit entre les murs du couvent, les autres habitants, sa femme en tête, estiment qu’ils ne doivent surtout pas se mêler des affaires du couvent.

Ce roman est tout en pudeur, en retenue et en délicatesse. Claire Keegan a un réel talent de conteuse, si vous ne la connaissez pas encore, je vous invite vivement à la lire.

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