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Posts Tagged ‘daniel picouly’

« Le diable a bu du rhum. On a souillé les églises, déterré les cadavres. Saint-Pierre doit se repentir. Tandis que je crache de la boue et du feu, que je ravage les champs, les bêtes et les hommes, ils battent des mains comme des enfants à Carnaval. Ils oublient de redevenir des animaux sages, de faire confiance à leur instinct. Fuyez ! Je suis la montagne Pelée, dans trois heures, je vais raser la ville. Trente mille morts en quatre-vingt-dix secondes. »

8 mai 1902, 5 heures du matin au jardin botanique de Saint-Pierre. Alors que la Montagne Pelée fait des siennes, Othello est sur le point de perdre la vie en duel. Face à lui Georgien d’Outreville, un tueur professionnel engagé par le tuteur de Louise, la femme qui l’aime, afin qu’il se débarrasse de son rival.

Louise attend de l’autre côté du mur, dans une calèche, avec son tuteur et un prêtre censé les marier, une fois Othello tué. Louise n’a aucune intention de consentir à cette union et a prévu de se donner la mort avec le pistolet de poche contenu dans son sac qu’elle serre contre elle.

Louis Mouttet, le gouverneur de Saint-Pierre, depuis quelques mois en poste, a reçu l’ordre de ne pas évacuer la ville, malgré les menaces du volcan qui depuis quelques jours gronde sous leurs pieds. Le professeur Landes a tout fait pour convaincre les autorités, sans résultat.

Marius Hurard, patron du journal Les colonies, est dans son bureau. Depuis que la montagne s’est réveillée, les tirages du journal s’envolent. A 7h52, ils mourront tous ou presque…

Quatre-vingt-dix secondes signe mes retrouvailles avec la verve de Daniel Picouly dont j’avais adoré L’enfant léopard pour lequel il avait reçu le Prix Renaudot, largement mérité.

Dans son nouveau roman, l’auteur donne la parole à la montagne Pelée, héroïne d’une épopée terrifiante, qui va donner la mort à près de trente mille personnes le 8 mai 1902 en seulement quatre-vingt-dix secondes, détruisant au passage la ville de Saint Pierre.

L’histoire totalement véridique de la catastrophe nous est contée par la Montagne Pelée en personne. Pour elle, Saint-Pierre est devenue une ville vénale, une catin, une Sodome tropicale, le berceau de toutes les dérives et paillardises de l’homme : les curés envoient leurs soutanes par dessus tête, les bordels font recette…

Le volcan s’énerve, les avertit par de réguliers grondements, de la fumée, de la lave, il a déjà fait des dizaines de morts chez les bêtes comme chez les hommes aux alentours de Saint Pierre mais personne ne comprend ses avertissements.

Alors, du haut de ses 1 351 mètres, la montagne Pelée décide de punir par sa colère ces humains arrogants et ambitieux. Seuls, quelques-uns, qu’elle a dument choisi, pourront survivre et témoigner qu’ils ont vécu le jour du Jugement dernier, comme Cyparis, au cachot au moment où la nuée ardente va s’abattre sur la ville.

Avec ce roman, Daniel Picouly s’attaque à un fait historique pour lequel je ne savais rien, de ce point de vue là c’était très intéressant d’autant plus que la catastrophe nous est racontée de façon très originale puisque c’est le volcan lui-même qui prend la plume.

Au-delà de la catastrophe en elle-même, l’auteur plante le décor de son récit, nous décrit la société martiniquaise de cette époque avec le pouvoir toujours aux mains des blancs, les noirs qui continuent de suer sang et eau pour un salaire de misère mais qui sont désormais libres de le faire puisque plus sous le joug de l’esclavage. Rares sont ceux qui ont pu s’élever comme Marius Hurard, patron du journal Les colonies, l’un des protagonistes du roman.

Entre les deux, les métisses, ne sont pas bien lotis. A l’instar d’Othello, il leur est difficile de faire des études et ils ne peuvent espérer contracter un mariage avec une personne venue de Métropole comme Louise.

Sur le papier ce sujet m’intéressait beaucoup : le fait historique, un narrateur volcan la satire sociale, l’ignorance sociale, la vie dans les colonies… et après un début de lecture enthousiaste, je vous avoue que je me suis un peu lassée. Comme on connaît l’issue du roman et que l’on suit essentiellement les pensées de la montagne, j’ai été assez frustrée. J’aurai aimé que les personnages humains, qui ne font que traverser le récit, soient plus présents.

Reste que ce roman se lit très bien notamment grâce au talent de Daniel Picouly et à sa plume enlevée et que j’ai appris beaucoup de choses,ce qui n’est déjà pas si mal.

Merci à Babelio et aux éditions Albin Michel pour cette lecture !

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16 octobre 1793. Dans sa cellule de la Conciergerie, Marie-Antoinette se prépare à mourir. Au-dehors, un ultime complot s’est formé. Il ne reste que douze heures pour sauver la reine. Pendant ce temps, dans ce Paris tumultueux de la Révolution, on traque un mystérieux enfant léopard. Certains pour le protéger. D’autres pour le tuer. Mais qui est cet enfant léopard si convoité ? Est-il vrai qu’il est le fils caché d’une grande dame du royaume, voire de la reine elle-même ? Difficile à croire. Et pourtant…

Par un surprenant bouleversement spatiotemporel, Ed Cercueil et Fossoyeur Jones, les deux policiers noirs de Harlem rendus célèbres par Chester Himes, débarquent en plein Paris sur une enquête peu ordinaire puisqu’il s’agit de retrouver un jeune métis qui pourrait bien être le fils de Marie-Antoinette, laquelle vit ses dernières heures.

Choisir la Terreur pour cadre d’un roman d’aventures garantit une intrigue riche en coups d’éclat et en complots sanglants. Daniel Picouly qui s’est fait connaître par des romans policiers et plusieurs livres inspirés de l’enfance réunit ici tous les thèmes qui lui sont chers, celui de l’identité, de l’enfance dans un récit bondissant où Ed Cercueil et Fossoyeur Jones croisent Robespierre, la princesse de Lamballe, la Comtesse du Barry, Marie-Antoinette, Danton et Olympe de Gouges.

L’auteur nous invite à une cavalcade littéraire et nous plonge dans les tourments de la Révolution, une période où le tribunal révolutionnaire, son accusateur public Fouquier-Tinville et la guillotine ne chômaient pas. L’intrigue va elle aussi à vive allure et nous entraine dans Harlem à la recherche de cet enfant léopard. Les rebondissements multiples et les protagonistes nombreux, font feu de tout bois, on ne s’ennuie pas une seconde.

Picouly nous livre ici roman historique original et une véritable déclaration d’amour aux mots qui ne peut qu’enthousiasmer la lectrice que je suis. Il en invente (dixit les en-bourgeois de Mac, temple de la restauration rapide qui offre des figurines historiques avec les repas ou les fous-de-balle, prisonniers de St Lazare et de Ste Pélagie qui inventent le football cent ans avant sa création) et grâce à deux de ses personnages, il en offre à notre appétit de lecteur : Piqueur, qui ne sait pas lire, est un chasseur de mots qui les ramasse grâce à sa pique et La Marmotte vit lui littéralement dans les livres, reconvertis en meubles.

Picouly nous tient en haleine jusqu’à la dernière ligne et c’est avec un vrai regret que je quitte ses personnages et son univers, qui me hantent encore plusieurs heures après l’avoir fini. La vérité historique est respectée à la lettre et la dernière heure de Marie-Antoinette est particulièrement poignante.

Un livre jubilatoire, virtuose, avec un vrai souffle littéraire, ne passez pas à côté.

Lu dans le cadre du Challenge Animaux du monde

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