Feeds:
Articles
Commentaires

Posts Tagged ‘homosexualité’

Mickaël Brun-Arnaud est le fondateur de la librairie parisienne Le Renard Doré – librairie de référence pour le manga et la culture japonaise. Paru en mars 2022 à l’École des loisirs, son premier roman jeunesse, Mémoires de la forêt, s’est vendu à près de 10 000 exemplaires en l’espace de quelques mois. Les Vallées closes est son premier roman de littérature générale.

Qui peut dire ce qu’il s’est vraiment passé cette nuit où Paul-Marie, employé de mairie bien sous tous rapports, a recueilli chez lui Enzo, jeune adulte atteint de déficience intellectuelle ?

Dans ce village reculé de Provence où les préjugés sont rois et où l’on condamne toute forme de différence, la vérité importe peu. Et Paul-Marie est contraint de se cacher dans le grenier de Claude, sa mère, pour échapper à la vindicte populaire.

L’an dernier, j’avais eu un coup de coeur pour Les souvenirs de Ferdinand Taupe, premier opus de Mémoires de la forêt, j’étais donc très curieuse de découvrir le premier roman de littérature blanche de Mickaël Brun-Arnaud, Les vallées closes.

Autant vous le dire d’emblée, c’est un roman noir très dur à lire, l’auteur a choisi un sujet difficile qui n’épargne ni ses personnages ni ses lecteurs. Il nous emmène dans une France très rurale, encore coincée dans les années 50 où l’homosexualité est, au mieux refoulée, au pire, bannie.

Le décor est planté dans le Luberon, du côté d’Apt. Dans ce monde rural, brut, où hommes et animaux sont élevés à la dure, nous suivons trois personnages. L’auteur leur donne tour à tour la parole au présent, en 2016, mais aussi à des moments clés de leur vie dans les années ayant précédé le drame.

Il y a Claude, élevée comme un petit garçon des campagnes, sans droit de ressentir, mal mariée à Marius, un homme brutal et impitoyable. Victime de violences ordinaires, elle est une mère distante, qui n’a pas su protéger ses fils de cette violence familiale, imprimée par le chef de famille. 

Il y a Paul-Marie, son fils, directeur financier à la mairie du village. Différent des autres, plus fragile, plus délicat, harcelé de par sa féminité, son homosexualité. Il n’a jamais eu de vie amoureuse et se retrouve accusé de pédophilie sur Enzo. 

Et enfin, il y a Enzo, déficient intellectuel de 20 ans, rejeté par son père et étouffé par une mère ultra possessive et envahissante, qui lutte pour vivre sa vie comme il l’entend malgré ses difficultés.

L’histoire, très noire, tourne vite au sordide tant dans les propos, avec un langage familier cru et ordurier, que dans les réactions des personnages qui entourent nos héros.

Alors certes, de nos jours, il y a encore beaucoup de préjugés autour de l’homosexualité, mais dans ce récit, ça tourne au paroxysme. L’écriture de Mickaël Brun-Arnaud est sèche, brute, directe. Et du pédé par ici et de la tafiote par là, je trouve qu’il y a un peu trop de surenchère dans les termes. Personnellement, lorsque le langage employé est trop cru, cela me sort de ma lecture et je n’ai pas aimé cet aspect du roman.

L’auteur met le doigt où ça fait mal, sans nous laisser respirer, sans laisser poindre une lueur d’espoir pour les protagonistes. Les scènes de violences ordinaires envers les animaux, en particulier les scènes de chasse, du mari envers son épouse et ses enfants ou entre les voisins et villageois, avares de ragots, hypocrites et malsains… sont réellement horribles. 

Ce récit m’a émue, j’ai aimé la construction très habile de l’auteur, Claude et Enzo, et surtout Paul-Marie, tellement gentil, sentimental et empathique, et qui mène une existence tellement injuste, que je me suis beaucoup attachée à lui. Son sort m’a vraiment émue et le dénouement m’a laissé K.O debout.

Malgré mes bémols sur le langage et sur le côté très sordide de ce récit, c’est un premier roman qui mérite d’être lu mais attention, il est vraiment sordide, violent et bouleversant.

Un grand merci aux éditions Robert Laffont pour cette découverte !

Read Full Post »

Après avoir été professeure des écoles, elle se consacre à l’écriture à temps plein depuis 2011. Son premier livre à destination de la jeunesse a paru en mars 2010 aux éditions Talents Hauts. Elle écrit des romans pour adolescents (Sarbacane, Bayard, Nathan, Robert Laffont), des albums (Gallimard, Milan…), des BD (Delcourt, Glénat, Marabout…).

Bordeaux, 1764. Ange Rouvray accompagne son père médecin dans ses visites auprès des malades. L’épidémie de variole fait rage et pour se protéger, il faut porter un masque, se désinfecter les mains, garder ses distances…

La jeune Esmée de Montagu a vu mourir en quelques semaines son père, son frère, ses sœurs. Elle reste seule avec sa mère, tellement pleine de chagrin qu’elle n’a plus de larmes. La comtesse Isabeau de Montagu, est obsédée par l’idée de garder sa dernière fille en vie. Elle veut tester sur elle une technique controversée et dangereuse et fait appel au docteur Rouvray, qu’elle espère ouvert à cette pratique nouvelle.

Lors de cette visite, Esmée et Ange se rencontrent. Et tombent amoureux. Mais comment une histoire est-elle possible entre ces deux êtres que tout sépare ?

Après avoir beaucoup aimé Soleil glacé il y a deux ans déjà, j’ai eu très envie de retrouver la plume de Séverine Vidal et j’ai jeté mon dévolu sur Sous ta peau, le feu, présent dans ma PAL depuis quasiment un an.

Dès les premières pages, l’autrice a su me transporter au coeur du siècle des Lumières, ma période historique préférée, avec cette histoire d’amour qui aborde des thèmes très intéressants comme la médecine, l’inoculation, l’éducation des filles, le système de classes sous l’ancien régime…

Au centre de ce roman, une histoire d’amour entre Ange, futur médecin, et Esmée, dernière enfant des seigneurs de Montaigu a avoir échappé à la variole qui a décimé toute sa famille. Leur histoire, toute en sensualité, est bouleversante. Et l’épidémie de variole qui fait tant de victimes sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI, traverse tout le récit, charriant avec elle les malades, teintant de noirceur l’amour entre Ange et Esmée.

Séverine Vidal a fait un gros travail de documentation concernant cette maladie et les prémisses de l’inoculation. La variole est en effet le pire des fléaux au 18e siècle. On n’arrive guère à traiter la maladie une fois contractée. L’agitation autour de l’inoculation constitue un miroir des tensions de l’époque car les premiers humains sur lesquels on teste l’inoculation sont les prisonniers et les orphelins.

Des personnes peu considérées ou jugées nuisibles à la société sous l’Ancien régime, sont mises au service d’une recherche qui doit bénéficier à tous. Or l’opération reste le plus souvent une pratique limitée aux classes aisées. Les délaissés de l’existence ne servent que de terrains d’expérience.

Le docteur Rouvray fait de l’inoculation son cheval de bataille et entend bien protéger ses patients de cette terrible pandémie mais il est bien le seul dans sa région, ses confrères préfèrent s’en remettre à Dieu.

Au-delà de ces questions, Séverine Vidal signe un roman pour adolescents dès 13 ans engagé sur la cause des femmes, le droit à l’éducation des filles, les amours interdites durement punies au temps des rois et jusqu’à finalement très récemment.

Cette histoire à deux voix m’a profondément émue et bouleversée, je me suis immédiatement attachée à Ange, à Esmée et au docteur Rouvray, un homme profondément tolérant et très en avance sur son temps qui ose défier les lois de l’époque. C’est un beau roman, fort en émotions qui me restera longtemps en mémoire.

Un grand merci aux éditions Nathan pour ce coup de coeur, j’espère vous avoir donné envie de le découvrir à votre tour.

Read Full Post »

Lu dans le cadre du Cold Winter Challenge

Hubert était scénariste et coloriste de renom, recevant le Firecracker Alternative Book Award « Best graphic novel 2015 » aux États-Unis. Il est décédé le 12 février 2020, quelques semaines seulement avant la sortie de Peau d’Homme. Zanzim, de son vrai nom Frédéric Leutelier, a grandi en Mayenne où il n’y avait pas grand-chose à faire d’autre que de lire des bandes dessinées… et dessiner !

Dans l’Italie de la Renaissance, Bianca, demoiselle de bonne famille, est en âge de se marier. Ses parents lui trouvent un fiancé à leur goût : Giovanni, un riche marchand, jeune et plaisant.

Le mariage semble devoir se dérouler sous les meilleurs auspices même si Bianca ne peut cacher sa déception de devoir épouser un homme dont elle ignore tout.

Mais c’était sans connaître le secret détenu et légué par les femmes de sa famille depuis des générations : une « peau d’homme » ! En la revêtant, Bianca devient Lorenzo et bénéficie de tous les attributs d’un jeune homme à la beauté stupéfiante.

Elle peut désormais visiter incognito le monde des hommes et apprendre à connaître son fiancé dans son milieu naturel. Mais dans sa peau d’homme, Bianca s’affranchit des limites imposées aux femmes et découvre l’amour et la sexualité…

Sans contrefaçon, je suis un garçon ! pourrait être le sous-titre de Peau d’homme, écrit par Hubert, mis en dessins par Zanzim et multi récompensé depuis sa parution.

À travers une fable enlevée et subtile comme une comédie de Billy Wilder, Hubert et Zanzim questionnent avec brio notre rapport au genre et à la sexualité… mais pas que.

En mêlant ainsi la religion et le sexe, la morale et l’humour, la noblesse et le franc-parler, Peau d’homme nous invite tant à la libération des mœurs qu’à la quête de l’amour.

La morale de la Renaissance agit alors en miroir de celle de notre siècle et pose plusieurs questions : pourquoi les femmes devraient-elles avoir une sexualité différente de celle des hommes ?

Pourquoi leur plaisir et leur liberté devraient-ils faire l’objet de mépris et de coercition ? Comment enfin la morale peut-elle être l’instrument d’une domination à la fois sévère et inconsciente ?

Et de ce point de vue, ce roman graphique est particulièrement réussi. J’ai adoré cette histoire et surtout Bianca qui s’affranchit des codes de son époque grâce à cette peau qu’elle revêt et grâce à laquelle son mari va tomber éperduement amoureux d’elle. Oui mais pas en tant que Bianca mais en tant que Lorenzo, son double, ce qui va bien sûr poser bien des problèmes.

Ce roman graphique est un magnifique plaidoyer pour les femmes mais aussi le droit d’aimer qui l’on veut. Il défend aussi brillamment la cause homosexuelle, le droit à la différence, le transgenre. Il prend fait et cause pour que chacun, homme comme femme, ait la sexualité qu’il ou elle veut, sur un vrai pied d’égalité.

Cela aurait pu être un coup de coeur sans les dessins de Zanzim qui ne sont pas du tout à mon goût, notamment au niveau des traits des visages que j’ai trouvé d’une laideur absolue, mais les goûts et les couleurs étant différents, cela n’enlève rien au talent de Zanzim que beaucoup d’autres ont apprécié.

Des dessins qui ne m’ont pas empéché d’apprécier cette ode à la tolérance que je vous invite à découvrir tant elle est riche et passionnante à tous points de vue !

Read Full Post »

Frédéric Baptiste écrit et met en scène des spectacles pour différentes productions et pour des artistes de théâtre. Il est également scénariste. Amoureuses est son premier roman.

Le Havre, printemps 1939. Claire est l’épouse d’un riche industriel peu présent et volage. Sa seule joie réside dans les moments passés avec sa fille. Son mariage avec l’associé de son frère Tristan a été arrangé et lorsqu’elle reçoit la visite d’une femme qui lui annonce que son mari est le père de ses deux enfants, une dispute éclate avec son mari qui se finit en viol conjugal.

Apprenant quelques temps plus tard qu’elle est enceinte, Claire quitte la ville pour se faire avorter par Marthe une rebouteuse, dont l’épouse, Edouard, est ami avec Tristan. Mais Marthe refuse car sa grossesse est trop avancée et lui propose d’adopter cet enfant non désiré car elle ne peut pas avoir d’enfant.

Claire accepte et découvre un univers rural qui lui était jusque-là étranger. Au fil des semaines, elle prend goût à cette nouvelle vie, se lie de plus en plus avec Marthe au point d’en tomber amoureuse et rêver de divorce…

Avec Amoureuses, Frédéric Baptiste aborde le thème de l’émancipation des femmes par l’amour. Pudique et délicat, ce récit inspiré de l’histoire vraie des arrières-grands-mères de l’auteur, nous plonge au coeur de l’intimité de deux femmes qu’apparemment tout oppose.

J’ai trouvé ce premier roman très touchant. L’histoire de Marthe et Claire m’a plu, j’ai trouvé leur histoire d’amour très belle, pleine d’une douceur et d’une sensualité lumineuse qui m’a rappelé Amours de Leonor de Recondo.

L’écriture de Frédéric Baptiste est fluide et les pages se tournent toutes seules et on arrive au point final à regret car si ce premier roman comporte quelques maladresses, s’attardant sur des choses que j’ai parfois trouvé inutiles au détriment d’autres qui étaient plus intéressantes, je l’ai lu avec plaisir même si il n’est pas exempt de clichés sur la bourgeoisie : femmes écervelées, hommes volages et brutaux…

Au-delà de l’histoire d’amour et de la critique de la bourgeoisie des années 30, ce que j’ai apprécié ici c’est la peinture de la condition féminine de l’époque, la maternité et les efforts de Claire pour prendre sa vie en main en dépit des écueils placés sur sa route.

Les personnages de Claire, Marthe et Edouard sont attachants même si ils manquent un peu de profondeur et j’ai pris plaisir à les suivre tout au long du récit.

Un grand merci aux éditions Robert Laffont pour cette découverte !

Read Full Post »

M. Baxter a quatre-vingt-quatorze ans lorsqu’une chute dans son escalier le condamne à la maison de retraite. Cet homme qui a vécu mille vies s’accommode mal de la routine de Melrose Gardens. Ses vieux jours, il veut en profiter à tout prix, et troquer la télévision, le thé, et les antidouleurs contre du bon vin, de la bonne musique et des divertissements dignes de ce nom. Accompagné d’un jeune infirmier qui traverse une période sombre, Baxter se lance dans une folle équipée pour rendre hommage à son amour perdu. À mesure que le vieillard lui raconte ses souvenirs, son compagnon de route comprend que la vie n’est pas destinée à être subie ; que le monde est vaste et magnifique ; que la gentillesse est une force. Et que la meilleure façon d’honorer les morts est de vivre pleinement.

Baxter est un ancien professeur de 94 ans qui, suite à une chute dans son escalier, doit séjourner dans la maison de retraite de Melrose Gardens. Mais il n’a pas l’intention d’y croupir car avant de rendre son dernier soupir, il a quelque chose à faire.

Greg est un jeune homme brillant, promis à de grandes études, qui à la suite du suicide de son frère, a perdu pied. Il se querelle sans cesse avec son père qui n’a jamais compris Michael.

Le jeune homme de vingt ans, voit arriver Baxter lors de son premier jour à la maison de retraite comme infirmier. Ils vont se lier d’amitié et au fur et à mesure de leurs échanges, le vieil homme va se confier…

Pour son premier roman, Matthew Crow a choisi avec Le dernier voyage de monsieur Baxter de nous raconter une histoire toute simple, celle de Baxter, qui à l’âge de 94 ans, dit enfin au revoir à Thomas, porté disparu pendant la seconde guerre mondiale.

Un récit touchant mais aussi très drôle qui nous permet de voir évoluer Baxter, un vieil homme fantasque, épicurien en diable, dans son quotidien mais aussi dans son passé qui nous emmène en 1939.

L’auteur alterne en effet le présent et des flash back dans le passé de Baxter et nous raconte l’histoire d’amour entre Baxter et Thomas, unis par la musique, à une époque où l’homosexualité était considérée comme un crime, passible de prison.

Parallèlement à lui, il y a l’histoire de Greg Cullock, qui est dans une grave dépression depuis le suicide de son petit frère Michaël. Son cadet et lui étaient diamétralement opposés mais s’adoraient. L’aîné était populaire tandis que le second était harcelé à cause de son homosexualité.

J’ai beaucoup aimé ce duo, qui au premier abord, n’a rien en commun, ces deux hommes se révèlent très touchants par leurs parcours, leurs failles. Les autres personnages sont également attachants : Winnifred, la plus vieilles amie de Baxter, ainsi que le personnel de Melrose Gardens.

L’homosexualité et l’homophobie sont, vous l’aurez compris, les thèmes centraux du roman. Et bien que les mentalités et les mœurs évoluent, l’homosexualité n’est de nos jours plus pénalisée heureusement, les homosexuels restent tout de même harcelés, battus, pour ce qu’ils sont et parfois, poussés au suicide, c’est bien triste de faire ce constat au 21è siècle et on ne peut qu’espérer que ce type de romans contribue à ce que les choses changent.

Quelques bémols toutefois : le scénario est un peu cousu de fil blanc et j’ai été gênée par la mise en page de ce roman car dans un même chapitre il y a multiplicités de narrateurs et alternances d’époques sans que cela soit clairement signalé, à certains moments, l’auteur m’a perdu.

Un premier roman touchant, plein d’espoir, tendre, drôle à souhait, un feel good book facile à lire, dommage que la fin soit expéditive car je suis restée un peu sur ma faim et surtout j’aurai bien aimé savoir ce qu’il advient des personnages, une fois ce dernier voyage accompli.

Read Full Post »