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Posts Tagged ‘la couleur des sentiments katryn stockett’

Jackson, Mississippi, 1962. Dans quelques mois, Martin Luther King marchera sur Washington pour défendre les droits civiques. Mais dans le Sud, toutes les familles blanches ont encore une bonne noire, qui a le droit de s’occuper des enfants mais pas d’utiliser les toilettes de la maison. Quand deux domestiques, aidées par une journaliste, décident de raconter leur vie au service des Blancs dans un livre, elles ne se doutent pas que la petite histoire s’apprête à rejoindre la grande, et que leur vie ne sera plus jamais la même.

La-couleur-des-sentiments-katryn-stockettauteur-éditeur-pagesDébut des années 60 dans le sud des Etats-Unis, le Mississippi et ses plantations de coton, son passé d’esclavagiste, on est loin de l’Amérique de Kennedy, pourtant président lorsque commence le récit. Ce bestseller mondial de Kathryn Stockett, auréolé de nombreux prix, a su séduire bien des lecteurs et je comprends pourquoi lorsque je referme la dernière page du livre. Quelle claque, que d’émotions pendant plus de 500 pages ! Le livre est épais mais je serais bien restée en compagnie de ces bonnes pendant encore plusieurs centaines de pages tant j’ai aimé la galerie de personnages et je dois l’avouer, bien ferrée par l’auteure qui sait brillamment s’y prendre pour relancer sans cesse l’intrigue et renouveler notre intérêt. Katryn Stockett, elle-même originaire de cet état du Sud, a eu semble-t-il envie de redorer le blason de son état et de montrer que tout n’y était pas tout blanc ou tout noir (sans faire de jeux de mots).

Roman polyphonique à trois voix, l’auteure donne successivement la parole à deux bonnes, la douce mais pugnace Aibileen, l’insolente Minny et une apprentie journaliste de bonne famille, Skeeter Phelan. Toutes trois se lancent dans l’écriture d’un livre, Les bonnes, dans lequel une douzaine de domestiques noires, vont livrer leurs témoignages et leurs histoires, de façon anonyme, se cachant sous des pseudonymes car cette entreprise peut se révéler très dangereuse, si leurs auteures sont reconnues. Skeeter, l’écrivain en herbe à l’origine du projet, voue une admiration sans borne à Constantine, la bonne noire qui l’a élevée et dont elle est sans nouvelle. C’est pour elle l’occasion de lui rendre hommage mais comme ses deux acolytes, elle a gros à perdre si cela arrive aux oreilles de ses amies. Les deux bonnes vont se confier clandestinement à Skeeter, à elle ensuite de retranscrire souvenirs et anecdotes de leur vie quotidienne. Cela n’a l’air de rien mais ce projet de livre, qui intéresse d’ailleurs une éditrice new-yorkaise, est tout simplement une bombe à retardement en puissance puisque les bonnes vont y relater les relations qu’elles entretiennent avec leurs employeuses, qui affichent pour la plupart un ségrégationniste décomplexé.

Les rapports entre domestiques noires (forcément) et jeunes bourgeoises wasp (blanches, naturellement) sont au cœur de ce roman qui rend compte des mesquineries, brimades et vexations en tous genres que subissent les premières pour le plus grand plaisir des secondes. Les maitresses sont des oisives, dont l’emploi du temps oscille entre parties de bridges, de tennis et leur club de femmes, tandis que leurs bonnes font tourner la maison : lessive, préparation des repas mais aussi l’éducation des enfants pour qui elles deviennent de véritables mères, jusqu’à ce que ces mêmes enfants, devenus grands, se comportent à leur tour comme leurs parents. Ces bonnes ne doivent pas utiliser les toilettes de la maison, la vaisselle de la famille, pas plus que le frigo. Elles sont à la merci du bon vouloir des blancs qui fixent les salaires et les conditions de travail, qui peuvent d’un mot les envoyer en prison en les accusant de vols qu’elles n’ont bien sûr pas commis, entre autres joyeusetés.

Heureusement, Katryn Stockett ne tombe pas dans le manichéisme (ce ne sont pas les méchantes blanches contre les gentilles noires), La couleur des sentiments montre aussi les patrons respectueux et aimants et les relations ambigües qui unissent aussi maîtresses et servantes. C’est un roman dense avec un grand sujet, de très beaux portraits de femmes, de l’émotion, de l’espoir avec les marches de Martin Luther King, mais aussi de la colère et de la rébellion. Pour résumer, c’est une très belle histoire qui foisonne de tolérance et d’humanité, que je vous recommande chaudement de lire si ce n’est pas déjà fait. Gros coup de coeur !!

heart_5Lu dans le cadre d’une lecture commune avec Céline et des challenges Au service de et La plume au féminin édition 2013 :

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