Entre l’Inde et l’Écosse, des années 1930 à nos jours, l’histoire déchirante d’une femme enfermée, rejetée de la société et oubliée des siens. Un roman d’une beauté troublante, où s’entremêlent des voix aussi profondes qu’élégantes pour évoquer le poids des conventions sociales et la complexité des liens familiaux, de l’amour à la trahison. A Édimbourg, l’asile de Cauldstone ferme ses portes. Après soixante ans d’enfermement, Esme Lennox va retrouver le monde extérieur. Avec comme seule guide Iris, sa petite-nièce, qui n’avait jamais entendu parler d’elle jusque-là. Pour quelle étrange raison Esme a-t-elle disparu de la mémoire familiale ? Quelle tragédie a pu conduire à son internement, à seize ans à peine ? Toutes ces années, les mêmes souvenirs ont hanté Esme : la douceur de son enfance en Inde, le choc de son arrivée en Écosse, le froid, les règles de la haute bourgeoisie et, soudain, l’exclusion… Comment sa propre sœur, Kitty, a-t-elle pu cacher son existence à ses proches? Et pourquoi Iris se reconnaît-elle tant dans Esme ? Peu à peu, de paroles confuses en pensées refoulées, vont ressurgir les terribles drames d’une vie volée…
Encore un roman qui attendait dans ma PAL depuis un bout de temps et c’est grâce au challenge Irlande et littérature irlandaise que je l’en ai sorti, et j’ai vraiment bien fait ! Comme pour Certaines n’avaient jamais vu la mer, L’étrange disparition d’Esme Lennox est un roman magnifique et bouleversant, qui m’a ému aux larmes. J’ai eu beaucoup de mal à lâcher ce livre que j’ai lu très rapidement tant j’avais envie d’en connaître le fin mot.
Ce récit à trois voix : Esme enfermée dans un asile depuis 60 ans, Iris sa petite-nièce qui ne connaissait pas son existence et Kitty, la sœur de la première et grand-mère de la seconde, dont les souvenirs sont décousus par la maladie d’Alzheimer, dévoile le destin des deux ainées, femmes coincées dans leur statut de femme bourgeoise, broyées par la société pudibonde et corsetée de la première moitié du XXème siècle.
Esme Lennox a 16 ans quand elle est enfermée dans un asile psychiatrique, tout simplement parce qu’elle est un peu étrange, elle n’est pas conforme à ce qu’on attend d’elle et refuse d’entrer dans le moule. Elle en sortira 60 ans plus tard, de nos jours, parce que l’établissement psychiatrique ferme ses postes. Sa famille ne lui a jamais rendu visite, ne l’a jamais réclamé : avoir une fille ou une sœur dans un asile, ça fait tâche sur le tableau de famille.
Sa petite-nièce Iris va donc se découvrir une grande tante dont, jusqu’à présent, tout le monde lui a caché l’existence, elle va donc mener sa petite enquête pour découvrir pourquoi.
Maggie O’Farrell alterne donc magnifiquement son récit à trois voix entre le présent et plusieurs époques du passé. Un mécanisme aussi emprunté par Kate Morton dans Le jardin des secrets, que j’ai aussi beaucoup aimé. Et ce qui est très émouvant ici, c’est que comme Julie Otsuka, l’auteure se base sur des faits réels, à savoir l’internement de femmes qui avaient osé vivre leur vie. Des femmes modernes pour leur époque, trop pour leurs familles, qui d’un mot, parvenaient à les faire enfermer leur vie durant. Un enfermement « salutaire » pour leurs familles, que je trouve tout simplement révoltant et une pratique très courante en Angleterre et surtout en Irlande. Privées de liberté et subissant toutes les expériences de la psychiatrie moderne, qui font froid dans le dos, comme j’avais déjà pu le constater dans Du bout des doigts de Sara Waters.
J’ai suivi, le cœur serré, les rebondissements de l’histoire jusqu’à la toute dernière page, jusqu’au dénouement, imprévisible et horrible. Un livre marquant et essentiel, qui ne vous laissera pas indifférente. A lire de toute urgence.
Lu dans le cadre du challenge La plume au féminin , God save the livre, ABC Babelio 2012-2013 et Challenge Irlande et Littérature irlandaise