De sa vocation de journaliste, Sylvie Dodeller conserve une inaltérable curiosité pour les choses nouvelles. Insatiable arpenteuse des rues du vieux Paris, dévoreuse de romans historiques et de biographies, elle allie dans son écriture la rigueur de l’enquête livresque au travail de terrain. Dans un style accessible et précis, Sylvie Dodeller redonne vie au quotidien d’autrefois, comme cette traversée de Paris tout en senteurs et en éclats de voix dans les rues crottées et gouailleuses du XVIIe siècle et parvient à nous rendre Molière, Léonard de Vinci ou La Fontaine aussi familiers que de vieux copains de collège.
Sophie Germain nait à Paris en 1776 au sein d’une famille bourgeoise. Comme toutes les jeunes filles de sa condition, son éducation se limite aux arts et à la tenue du foyer. Mais Sophie n’a pas l’intention de se marier et voue une passion pour les mathématiques dès l’âge de treize ans, en pleine révolution française, lorsqu’elle découvre dans la bibliothèque paternelle, les écrits de Jean-Etienne Montucla et Etienne Bézout.
Cette discipline, vous vous en doutez, est alors strictement réservée aux hommes, et Sophie Germain va tout apprendre par elle-même. Et cerise sur le gâteau, cette autodidacte va, en dépit de sa condition féminine, se frayer un chemin dans le monde scientifique grâce à sa détermination et son culot.
En 1797, elle se fait passer pour Le Blanc, un étudiant, afin d’obtenir les cours de
Polytechnique. Elle utilise le même pseudo pour correspondre avec les plus grands mathématiciens de son temps et en 1816 devient la première femme récompensée par l’Académie des sciences.
Elle va même laisser son nom à un théorème de mathématiques. Et si de son temps, elle va connaître un joli succès, Sophie Germain va vite retomber dans l’oubli une fois passée de vie à trépas.
Ni biographie à proprement parler, ni essai, ni document, Sylvie Dodeller avec Sophie Germain La femme cachée des mathématiques propose un roman biographique très bien documenté et facile d’accès pour les 12 ans et plus.
Le nom de cette mathématicienne de la fin du XVIIIè / début XIXè ne vous dit probablement rien puisqu’elle fait partie des très nombreuses femmes invisibilisées par les hommes.
Pour ma part, je l’ai découverte lors de mes lectures du très bon document Les insoumises, de la bande dessinée Les découvreuses et de Ni vues ni connues et j’étais vraiment curieuse d’en apprendre davantage sur cette personnalité des Lumières.
Avec un style fluide, l’autrice nous raconte le destin de cette femme hors du commun et réussit même l’exploit à nous divertir avec les mathématiques, ce qui était loin d’être gagné pour moi, vu que je n’aime pas du tout cette matière.
Ce très court roman se dévore, j’ai appris beaucoup de chose sur cette très brillante mathématicienne, sur les débuts de l’école polytechnique et sur les mathématiciens de son époque.
Bien qu’étant du sexe faible comme on disait alors, elle a été reconnue de son temps et a pu s’adonner à sa passion des mathématiques grâce à quelques hommes qui vont l’aider et l’encourager : son père, Antoine Auguste Leblanc qui lui prête son nom et lui donne ses cours de polytechnique, Joseph-Louis Lagrange, professeur à Polytechnique qui va devenir son mentor et quelques autres qui vont l’accueillir dans le cercle très fermé des scientifiques.
Au-delà de la vie de Sophie Germain, Sylvie Dodeller interpelle les lecteurs et lectrices d’aujourd’hui en dévoilant la place des femmes de l’Ancien Régime à celles et ceux qui ne la connaissent pas encore.
Une condition féminine révoltante comme vous le savez probablement puisque la femme était considérée comme une mineure toute sa vie, soumise à l’autorité masculine d’un père, d’un frère, d’un mari ou d’un fils et que cette condition va encore se dégrader avec l’instauration du code Napoléon.
Un roman biographique très intéressant et facile à lire qui a le mérite de mettre en lumière une personnalité méconnue et qui donnera peut-être envie aux jeunes lectrices d’intégrer les filières mathématiques dans lesquelles elles sont encore trop peu nombreuses.
Un grand merci à L’école des Loisirs pour cette lecture de vulgarisation mathématique très intéressante.