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Posts Tagged ‘melanie benjamin’

Lu dans le cadre du challenge 1 pavé par mois  :

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Frances Marion a tout quitté pour suivre sa vocation : écrire des histoires pour un nouvel art, qui consiste à projeter des images en mouvement sur un écran. Mary Pickord est une actrice dont les boucles blondes et la grâce juvénile lui valent déjà le surnom de « La petite fiancée de l’Amérique ». Toutes deux vont nouer une amitié hors norme et participer à cette révolution qu’est la naissance du cinéma. Mais, dans un monde dominé par les hommes, on voit d’un mauvais oeil l’ambition et l’indépendance de ces deux femmes…

Après Les Cygnes de la Cinquième Avenue qui connut un grand succès, Melanie Benjamin troque les années 50 pour les années 10 et 20 et quitte New York pour Los Angeles. La romancière restitue formidablement bien l’atmosphère des premiers studios de cinéma dans Hollywood Boulevard, l’amateurisme et l’effervescence qui y régnait.

Plongée au coeur de l’industrie naissante du septième art, ce roman retrace le destin de deux grandes figures oubliées du cinéma : Mary Pickford et Frances Marion. Mary Pickford fut la première star de cinéma, surnommée la petite fiancée de l’Amérique d’avant et d’après la première guerre mondiale, bien connue pour ses boucles blondes, son allure enfantine et sage. Frances Marion, bien qu’ayant joué dans quelques films entre 1914 et 1916, fut une scénariste de premier plan et la première femme scénariste à avoir reçu un Oscar en 1932 pour le film Le champion.

Avec talent, Melanie Benjamin nous dévoile ces deux personnalités et trajectoires très différentes, nous fait pénétrer au cœur de cette industrie naissance, nous fait assister aux tournages et montages de ces films, nous familiarise avec le début du star système et fait avant tout la part belle aux femmes.

Car si elle s’attache avant tout à nous faire connaître ses deux héroïnes, elle ne nous passe pas sous silence celles qui ont connu la gloire au temps du cinéma muet avant de sombrer dans l’oubli dès l’avènement du parlant.

Et à travers toutes ces femmes, on se rend compte de la précarité, des drames et des injustices auxquelles elles étaient confrontées, à la merci des réalisateurs et des grands manitous des studios, éléments interchangeables de leurs films.

La première à avoir révolutionné le cinéma fut Mary Pickford. Née Gladys Smith, elle travaille dès l’âge de 5 ans au sein de troupes de théâtre de troisième classe sillonnant le pays avant de se tourner vers le cinéma qui payait bien mieux. Elle avait à charge ses frères et sœurs, Lottie et Jack (qui deviendront acteurs aussi) et sa mère Charlotte avec qui elle avait une relation fusionnelle.

Sa grande beauté va faire d’elle la fille Biograph (du nom du studio) que les spectateurs réclamaient sans connaître son nom puisqu’elle n’était pas créditée, ce qui va vite changer en raison de sa popularité.

De 1909 à 1933, elle va être la star de 52 longs-métrages et va devenir l’actrice la mieux payée au monde (10 000 $ par semaine) puis la première femme productrice et distributrice, fondant United Artists avec D. W. Griffith, Charlie Chaplin et Douglas Fairbanks qui va devenir son époux.

En 1914, elle va faire la connaissance de Frances Marion qui va écrire les scénarios de ses plus grands succès en jouant aussi bien des enfants (Pauvre petite fille riche, Le Petit Lord Fauntleroy…) que des jeunes femmes (Le signal de l’amour, Pollyanna…).

L’avènement du parlant et l’arrivée d’un aréopage de jeunes actrices modernes alors qu’elle continue d’arborer une coiffure et des robes victoriennes la poussent vers la sortie mais elle continuera à produire et à distribuer des films pendant deux décennies encore.

Roman à deux voix, on suit parallèlement de 1914 au début des années 30, le parcours de ces deux femmes, leur amitié et leurs trajectoires qui vont finir par se séparer : Pickord déclinant inexorablement victime de son alcoolisme et de son image tandis que Frances va signer ses plus grands succès avec le parlant.

Au-delà de ces portraits de femmes, j’ai appris une foule de choses sur la naissance du cinéma : comment les studios refusaient de créditer leurs acteurs aux génériques de leurs films afin de les sous-payer et de les jeter après usage, comment se faisait le montage (avec une paire de ciseaux et de la colle), comment se tournaient les films…

Autour de ce duo féminin gravite très vite le gratin d’Hollywood, Chaplin, Douglas Fairbanks, Griffith et Mayer constituant, entre autres, les personnages masculins avec lesquels elle vont faire du cinéma une activité essentielle et lucrative.

Ce roman très bien documenté est féministe car il montre le machisme systématique des hommes (magnats des studios comme réalisateurs) qui ne voient pas d’un bon œil des femmes occuper des postes de responsabilité.

Il faudra beaucoup de courage et de caractère à Mary et Frances pour s’imposer dans cette industrie naissante. La romancière ne nous cache rien des promotions canapé (Wenstein n’a rien inventé), de l’homosexualité féminine et masculine des acteurs et actrices qu’on prend bien soin de garder secrets, des grossesses passées sous silence, des idylles arrangées pour promouvoir efficacement les films, etc.

Vous l’aurez compris Hollywood Boulevard a de nombreux atouts et je ne peux que vous inviter à le découvrir à votre tour.

Merci aux éditions Albin Michel pour cette lecture.

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