Philippe Besson est un écrivain, scénariste et dramaturge. En l’absence des hommes, son premier roman, publié en 2001, est couronné par le Prix Emmanuel-Roblès. Depuis lors, il construit une œuvre au style à la fois sobre et raffiné. Il est l’auteur, entre autres, de Son frère, adapté au cinéma par Patrice Chéreau, L’Arrière-Saison (Grand Prix RTL-Lire), Un garçon d’Italie et La Maison atlantique. En 2017, il publie « Arrête avec tes mensonges », couronné par le Prix Maison de la Presse. Il revient à l’autofiction en 2019 avec Un certain Paul Darrigrand puis Dîner à Montréal. En 2021, Le Dernier Enfant a paru chez Julliard. Paru en 2022, son roman Paris-Briançon a rencontré un très grand succès en librairie. Ses romans sont traduits dans vingt langues.
Ils sont frère et sœur. Quand l’histoire commence, ils ont dix-neuf et treize ans. Cette histoire tient en quelques mots, ceux que la cadette, témoin malgré elle, prononce en tremblant : » Papa vient de tuer maman. «
Passé la sidération, ces enfants brisés vont devoir se débrouiller avec le chagrin, la colère, la culpabilité. Et remonter le cours du temps pour tenter de comprendre la redoutable mécanique qui a conduit à cet acte.
Avec Ceci n’est pas un fait divers, Philippe Besson aborde avec pudeur et sobriété, le féminicide. Ce roman, inspiré de faits réels, raconte, au-delà d’un sujet de société, malheureusement trop fréquent, le long combat de deux victimes invisibles pour réapprendre à vivre.
Un sujet si difficile abordé avec le point de vue des enfants, victimes collatérales de ce crime. C’est rude, émouvant mais jamais larmoyant.
Un texte percutant, âpre, impressionnant où chaque mot, interrogation, détail de ce fait divers que l’auteur préfère nommer « fait social » sonne incroyablement juste.
Philippe Besson, dont l’écriture toujours précise, sonde ici les cœurs et les âmes et raconte la difficulté de vivre l’après, pour ces victimes invisibles dont les vies sont à jamais broyées, remises en question.
Tout nous est raconté du point de vue du fils aîné, danseur à l’opéra de Paris : les interrogatoires par la police, la reconstruction après le drame, le procès…
Nous n’avons que son point de vue mais il raconte tellement bien sa soeur, témoin du drame, que l’on perçoit l’intégralité de la déflagration pour la famille, les voisins et amis qui n’ont rien vu ou préférer ne rien voir. Le narrateur se met d’ailleurs dans le même sac, lui qui a vu sa mère se « ternir », n’a jamais réagi lors de ses visites.
Comment ne pas avoir pu prédire ce qui allait arriver ? Des signes avant-coureurs, bien sûr qu’il y en a eu et ils ne datent pas d’hier. Difficile alors de ne pas se sentir à la fois coupable et honteux lors de la survenue d’un tel drame familial.
De ne pas avoir honte de ce père colérique et meurtrier, censé les protéger. Il s’agit d’une double peine qui vous fait grandir d’un coup. Et les regards extérieurs qui s’apitoient, personne ne veut les subir.
Beaucoup de faits sont choquants : la mère qui, un an avant le drame, pousse la porte de la gendarmerie afin de porter plainte et qui ne sera pas prise au sérieux, la maison sous scellées pendant un an et qui sera rendue à la famille en l’état (avec la cuisine maculée du sang de leur mère), la victime qui ne veut pas ennuyer son fils qui vit son rêve à l’Opéra et qui dit à sa fille « on ne va pas l’embêter avec ça »…
Ce qui est intéressant ici, c’est le point de vue que prend l’auteur pour raconter l’indicible et parler des victimes collatérales de ces assassinats, victimes que l’on oublie trop souvent au profit bien légitime de celle qui a perdu la vie sous les coups de son conjoint.
Ce crime de propriétaire qui marque d’un seau indélébile les survivants : les enfants mais aussi les parents de la victime. Ici, le personnage du papy, d’une grande dignité, m’a aussi beaucoup touchée.
Un roman percutant, qui met K.O debout que j’ai lu avec ma copinaute Belette qui a été tout autant touchée que moi, retrouvez son avis ici !