Quand la mort vous raconte une histoire, vous avez tout intérêt à l’écouter. Une histoire étrange et émouvante où il est question : d’une fillette ; des mots ; d’un accordéoniste ; d’Allemands fanatiques ; d’un boxeur juif ; de vols.
Voilà un roman que j’avais envie de livre depuis sa sortie mais que je redoutais aussi. Comme vous le savez, j’aime beaucoup les romans historiques mais ceux qui ont pour cadre la seconde guerre mondiale me mettent souvent mal à l’aise. A cause sans doute du génocide et de l’épuration et certainement aussi parce que mes deux grands-pères l’ont fait et ont tutoyé la mort de près. J’ai tout de même fini par le sortir de ma PAL encouragée par les bons avis que j’ai pu lire, notamment celui de Céline.
La voleuse de livres démarre en 1939, lorsqu’une fillette de 10 ans, Liesel, se rend avec son petit frère âgé de 6 ans et leur mère, en train jusqu’à Molching, une petite ville près de Munich. Les deux enfants doivent quitter leur mère, soupçonnée d’être communiste, pour être confiés à des parents nourriciers, Hans et Rosa Hubermann, qui les attendent rue Himmel. Pendant le trajet, le petit garçon succombe à ce qui semble être une pneumonie, et cette disparition brutale va hanter Liesel qui doit aussi dire adieu à sa mère qu’elle ne reverra jamais. Bon soyons clair, ça démarre mal et je ne vous cache pas que l’histoire de Liesel et de son meilleur ami Rudy, d’Hans et de Rosa est tragique et très émouvante, et comme je suis une grande émotive, j’ai du me résoudre à avoir ma boite de mouchoirs tout de près de moi car j’ai beaucoup pleuré. Heureusement, il n’y a pas que des zones d’ombres, il y a aussi beaucoup d’amour, de solidarité et d’humour tout au long du récit.
C’est l’histoire d’une fillette qui va apprendre à lire et à écrire avec son papa qui déborde d’amour et de tendresse pour elle, qui va traverser la guerre en voyant passer les convois de juifs qu’on emmène à Dachau, connaître la pauvreté et la faim et qui va devenir une voleuse de livres, car pour elle un livre ça ne s’achète pas, ça ne se donne pas, ça se vole. C’est l’histoire d’un homme qui a survécu à la première guerre mondiale et qui décide d’aider le fils de son ami juif mort au combat en le cachant dans sa cave. C’est l’histoire d’un juif qui veut boxer Hitler et qui dessine son malheur de façon très poétique. C’est l’histoire d’un jeune garçon qui résiste au fascisme de toutes les façons, notamment en devenant Jesse Owens le temps d’une course mémorable. C’est l’histoire d’une femme qui aime maladroitement sa fille nourricière en l’abreuvant de gros mots. C’est aussi l’histoire des jeunesses hitlériennes et celle du peuple allemand, pris entre le marteau et l’enclume, les petites gens qui subissent plus qu’ils n’agissent.
Mais ne vous y trompez pas, si l’histoire peut vous sembler plutôt commune hélas, le processus narratif lui ne l’est pas déjà : les chapitres sont courts, parsemés de notes et de dessins et surtout la narratrice du roman n’est pas Liesel, mais la mort en personne. Et cette mort a des choses à dire, elle a des états d’âmes, se fâche contre la folie d’un seul homme, Hitler, et de ces guerres mondiales, deux en vingt ans, qui charrient les morts par millions et qui transforment sa petite entreprise artisanale en multinationale. Elle a le moral en berne, en a assez de ramasser des âmes à longueur de temps, sans répit, elle ne sait plus où donner de la tête la grande faucheuse. Ses états d’âme et ses fâcheries permettent à Markus Zusak de parsemer son récit de notes d’humour, humour noir certes, mais qui est le bienvenu. L’auteur ne tombe jamais dans le pathos ni le manichéisme (et cela aurait facile avec un tel sujet), il démontre que les allemands n’étaient pas tous nazis et que même ceux qui avaient adhéré, ne l’avaient pas forcément fait par idéologie mais par peur des représailles ou plus prosaïquement, pour avoir un travail. Idem pour les jeunesses hitlériennes : les enfants étaient enrôlés de force et leurs parents n’avaient pas leur mot à dire.
J’ai beaucoup aimé ce roman mais deux choses m’ont vraiment gênée : les mots en allemand, pas toujours expliqués, je me suis sentie par moment un brin exclue de certains dialogues, et surtout la Mort, qui, lors de son récit, nous fait de gros spoiler sans arrêt ! Ainsi, on sait qui va mourir et quand, on connait la fin avant même d’y être arrivée. Je ne comprends pas pourquoi l’auteur a eu recours à ce procédé et ça a vraiment gênée ma lecture, car j’étais tellement attachée aux personnages que je redoutais les passages en question. Malgré ces bémols, je pense que c’est un roman intéressant et qui vaut la peine d’être lu, je vous le recommande en tout cas.
Lu dans le cadre des challenges A tout prix (prix Millepages jeunesse 2007) et Halloween :