Lu dans le cadre du Pumpkin Autumn Challenge
Mona Chollet est journaliste au Monde diplomatique. Elle est notamment l’auteure de Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine et de Chez soi. Une odyssée de l’espace domestique (Zones, 2012 et 2015).
Tremblez, les sorcières reviennent ! disait un slogan féministe des années 1970. Image repoussoir, représentation misogyne héritée des procès et des bûchers des grandes chasses de la Renaissance, la sorcière peut pourtant, affirme Mona Chollet, servir pour les femmes d’aujourd’hui de figure d’une puissance positive, affranchie de toutes les dominations.
Qu’elles vendent des grimoires sur Etsy, postent des photos de leur autel orné de cristaux sur Instagram ou se rassemblent pour jeter des sorts à Donald Trump, les sorcières sont partout. Davantage encore que leurs aînées des années 1970, les féministes actuelles semblent hantées par cette figure.
La sorcière est à la fois la victime absolue, celle pour qui on réclame justice, et la rebelle obstinée, insaisissable. Mais qui étaient au juste celles qui, dans l’Europe de la Renaissance, ont été accusées de sorcellerie ? Quels types de femme ces siècles de terreur ont-ils censurés, éliminés, réprimés ?
Avec Sorcières la puissance invaincue des femmes, Mona Chollet en explore trois et examine ce qu’il en reste aujourd’hui, dans nos préjugés et nos représentations :
La femme indépendante : puisque ce sont les veuves et les célibataires qui furent particulièrement visées
La femme sans enfant : puisque l’époque des chasses a marqué la fin de la tolérance pour celles qui prétendaient contrôler leur fécondité
Et la femme âgée devenue, et restée depuis, un objet d’horreur.
Enfin, il sera aussi question de la vision du monde que la traque des sorcières a servi à promouvoir, du rapport guerrier qui s’est développé alors tant à l’égard des femmes que de la nature : une double malédiction qui reste à lever.
Cet essai féministe a remporté de nombreux suffrages depuis sa publication mais aussi de violentes critiques. Après cette lecture, je penche en faveur des thèses de Mona Chollet même si quelques points m’ont hérissé le poil, notamment le voile qui pour pour moi est un outil d’aliénation de la femme. Et sur le rapport à la maternité qui, sous la plume de l’autrice, est clairement un handicap, ce en quoi je suis en total désaccord.
En effet, pour Mona Chollet, être une maman empêche les femmes de se réaliser et elle en veut pour preuve que les scientifiques, exploratrices, grandes écrivaines étaient des femmes célibataires et sans enfant. Que le temps consacré à sa famille est du temps en moins pour réaliser de grandes choses et que si on parvient à les réaliser, ce sera à l’aune de notre vie et non pendant notre jeunesse.
J’ai aussi relevé quelques arguments contradictoires avec par exemple la mathématicienne iranienne Maryam Mirzakhani, seule femme à avoir reçu la médaille Fields, décédée prématurément, mais qui a su conjuguer sa maternité et un parcours professionnel particulièrement brillant !
Au-delà du point de vue de l’autrice, cet essai est une formidable synthèse de ce que la figure de la sorcière, si prégnante dans notre société moderne, implique profondément pour les femmes de l’époque et plus globalement pour toutes les femmes, y compris de nos jours.
Il est indéniable que Mona Chollet a fait un travail titanesque pour recenser les travaux sur le féminisme depuis le XIXè siècle jusqu’à nos jours, la riche bibliographie qui agrémente chaque chapitre en est la preuve. La lecture est exigeante, dense mais réellement passionnante et entraîne bon nombre de réflexions. C’est un livre qui questionne le passé mais qui est bien ancré dans notre présent.
Les chapitres consacrés aux chasses aux sorcières ouvrent l’ouvrage mais laissent très vite la place aux problématiques très actuelles que rencontrent les femmes. Alors non ce n’est pas un livre sur l’histoire des sorcières mais un livre sur la figure et la perception des sorcières dans les sociétés d’hier et d’aujourd’hui.
Vous l’aurez compris, un livre très riche et intéressant que je ne peux que vous conseiller si vous vous intéressez au féminisme, il est riche d’enseignements ! Belette a beaucoup apprécié aussi, son avis ici.