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Posts Tagged ‘viol’

Catherine Cuenca est née en 1982. Son premier roman publié en 2001, elle se lance dans le métier d’écrivain à temps plein en 2010. Elle est l’autrice d’une quarantaine de romans historiques pour la jeunesse.

1978. Myriam, 17 ans, est victime d’un viol. SOn petit ami Franck n’a pas voulu entendre ses refus répétés de coucher avec lui. Traumatisée, craignant d’être enceinte, elle ne trouve de soutien ni dans sa famille, qui a peur du qu’en-dira-t-on, ni auprès de son amie Lili, enfermée dans une morale rétrograde.

L’exemple d’une élève de sa classe, militante au Mouvement de Libération des Femmes et le retentissement du procès d’Aix, qualifié de « procès du viol » par Gisèle Halimi, va l’aider à porter plainte, aller en justice et faire entendre sa voix.

Nos corps jugés signe mes retrouvailles avec Catherine Cuenca dont j’ai tant aimé Celle qui voulait conduire le tramLe choix d’AdélieL’assassin du Marais et La marraine de guerre.

Comme toujours avec cette autrice, un roman court et percutant, solidement documenté, porté par une héroïne forte et attachante, abordant des thèmes importants de façon juste et pertinente.

Vous connaissez mon intérêt pour la condition féminine, j’ai été bien servie avec ce roman pour adolescents qui aborde avec justesse le viol et le combat des femmes pour le judiciariser.

Dans ces années 70 où l’émancipation féminine était si forte, portée par de grandes luttes comme l’avortement, le viol n’était pris au sérieux ni par la police ni par la justice.

Une époque où il était normal de battre sa femme, de forcer ses conquêtes à l’acte sexuel et où les victimes l’avaient bien cherché ! Les femmes et jeunes filles violées étaient toujours coupables de porter des décolletés, des jupes trop courtes, elles aguichaient le male pour mieux le repousser ensuite !

Ce sera la défense de Franck : Myriam a accepté de venir dans son appartement, elle l’avait allumé et voulait forcément coucher avec lui… Myriam va se retrouver isolée, sans que personne ne lui tende la main, y compris sa meilleure amie qui lui tournera le dos, par peur pour sa réputation.

Il lui faudra du courage pour s’opposer à ses parents qui estiment qu’elle l’a bien cherché, et affronter un procès où les victimes et leurs avocates sont molestées, vilipendées.

Grâce au courage de ces femmes et jeunes filles qui se sont battues pour le droit à disposer librement de leur corps, le viol n’est plus un délit mineur mais bel et bien un crime. Malheureusement, quarante ans plus tard, bon nombre de femmes n’osent pas porter plainte et continuent de subir le harcèlement de rue, les frotteurs, etc.

A travers le parcours de Myriam, Catherine Cuenca a « voulu évoquer cette période porteuse d’espoir pour toutes les victimes de violences sexuelles ». Ces années 70-80 représentent, en effet, un tournant à la fois juridique et moral.

Juridique, par la loi du 23 décembre 1980 qui reconnait le viol comme un crime, et non plus un délit. Moral, par l’évolution des moeurs, la libération de la parole, portée par les associations de défense du droit des femmes.

Un pari relevé haut la main par l’autrice qui nous propose un récit juste et crédible que je vous recommande si ces thématiques vous intéressent.

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Mathieu Menegaux est né en 1967. Son premier roman, Je me suis tue, publié chez Grasset en 2015 et Points en 2017, a obtenu le prix du Premier Roman des 29es Journées du Livre de Sablet.

Mathilde Collignon est une gynécologue rennaise, divorcée, mère de deux fillettes et elle aime le sexe. Elle ne s’en cache pas, elle ne cherche pas le grand amour mais plutôt les aventures d’un soir qu’elle dégote sur les sites de rencontres.

Elle est prudente, fixe ses rendez-vous dans des lieux publics jusqu’à ce qu’elle tombe sur un homme avec qui les confidences virtuelles vont plus loin. Elle accepte de le rejoindre chez lui… elle n’aurait pas du.

Trois ans plus tard, cour d’assises de Rennes, juin 2020, fin des débats  : le président invite les jurés à se retirer pour rejoindre la salle des délibérations. Ils tiennent entre leurs mains le sort d’une femme, Mathilde Collignon.

Elle est accusée d’un crime barbare, qu’elle a avoué, et pourtant c’est elle qui réclame justice. Dans cette affaire de vengeance, médiatisée à outrance, trois magistrats et six jurés populaires sont appelés à trancher : avoir été victime justifie-t-il de devenir bourreau  ?

Neuf hommes et femmes en colère doivent choisir entre punition et pardon.

Femmes en colère signe mes retrouvailles avec Mathieu Menegaux dont j’avais beaucoup aimé Un fils parfait. A l’instar des autres romans de cet auteur, mieux vaut ne pas savoir grand chose et plonger dedans à l’aveugle.

Ancré dans la réalité en puisant dans des faits de société, ce nouveau récit coup de poing ne peut laisser indifférents ses lecteurs et lectrices car il est question de barbarie et de vengeance.

Les parties civiles comme l’accusée sont à la fois bourreaux et victimes et bien difficile de dire si l’on aurait agi comme l’héroïne ou non.

Au fil du récit, on prend connaissance des faits de la bouche de Mathilde qui attend dans la cellule du tribunal de connaitre son jugement : ira-t-elle en maison d’arrêt purger une peine qui peut l’écrouer pendant vingt ans ou retrouvera-t-elle ses filles et sa vie ?

Et de l’autre, les jurés (deux hommes et quatre femmes), le président et ses assesseurs. On assiste à leurs débats, leurs prises de position, leurs votes sous une certaine tension.

Car le procès de Mathilde Collignon fait la une des médias du monde entier et son geste commis trois ans auparavant a divisé l’opinion publique.

Dans cette ère #metoo, il y a les pro et les anti Mathilde Collignon, celles et ceux qui la voient comme une héroïne de la cause des femmes et les autres qui la traitent de monstre et remettraient volontiers la guillotine en état de marche pour la punir.

Le roman est réellement passionnant et si je n’ai pas eu de coup de coeur, sans doute parce qu’il est trop court, c’est néanmoins une histoire qui me laissera longtemps en mémoire.

Passionnant pour son volet judiciaire qui nous fait entrer au coeur des délibérés, pour l’histoire de Mathilde et pour l’impact médiatique de ce procès.

Au cœur des questions de société contemporaines, Mathieu Menegaux nous livre un récit coup de poing doublé d’un suspense haletant porté par une écriture au scalpel.

Un roman qui questionne sur la parole des femmes et des victimes car ne l’oublions pas, peu d’agresseurs sexuels sont amenés sur les bancs de la justice faute de preuve mais aussi parce que les femmes doutent que leur parole soit prise en compte

Un roman intelligent, très bien construit et qui suscite le débat à découvrir absolument !

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« J’aimerais faire un voeu mais je ne sais pas lequel… J’essaie de ravaler la boule que j’ai dans la gorge. Je pourrais leur raconter ce qui est arrivé. Comment réagiraient-ils ?  »

Melinda a 15 ans. Un soir d’été, au beau milieu d’une fête, la jeune fille est victime d’un drame. Elle appelle la police. Personne ne saura jamais pourquoi elle a lancé cet appel, ni ce qu’il lui est arrivé cette nuit-là. Tout simplement parce que Melinda, murée dans son silence, ne parvient pas à l’exprimer…

Dès la rentrée scolaire, elle est mise à l’index à cause de ce coup de fil à la police. Ses amies lui ont toutes tourné le dos, ses camarades la harcèlent, ses notes sont en chute libre, ses parents ne comprennent pas ce qu’il se passe mais Melinda continue à garder le silence…

Speak est l’adaptation graphique du roman autobiographique éponyme de Laurie Halse Anderson vendu à plusieurs millions d’exemplaires et traduit dans trente pays.

Je n’ai pas lu le roman, je ne connaissais même pas son existence avant de recevoir ce gros roman graphique de près de 400 pages, mais au vu de son épaisseur, je pense que le travail d’Emily Carroll doit être plutôt fidèle à l’histoire écrite par Laurie Halse Anderson.

Speak raconte une année scolaire, celle de seconde, vécue par l’héroïne, traumatisée par le viol dont elle a été victime, le fameux soir où elle a appelé la police. Mais incapable de faire face à cette douloureuse situation, elle a préféré rentrer chez elle et taire l’agression dont elle avait été victime.

Le sujet est évidemment dur, sensible et bien traité ici car Emily Carroll ne tombe jamais dans le pathos sans pour autant nous épargner pas les conséquences de ce viol pour son héroïne. Certains passages sont durs, heureusement Melinda fait preuve d’un solide sens critique et n’est pas avare d’humour, ce qui l’empêche de sombrer totalement et nous avec elle.

Notre héroïne passe au crible avec une ironie certaine son quotidien de lycéenne, les professeurs, les clubs, la popularité, les relations entre élèves… Le récit sonne toujours juste et vrai, décortique toute la superficialité et la facticité de nos sociétés, de ses codes, de l’hypocrisie dans laquelle on s’enferme parfois, les œillères que l’on met pour ne pas voir ce qui nous dérange ou nous met mal à l’aise.

Les seuls moments où Melinda se sent à sa place, c’est pendant les cours d’art plastique de Mr Freeman, une discipline dans laquelle elle excelle, alors que toutes ses notes dans les autres matières n’en finissent plus de chuter. L’enseignant est anticonformiste, cible d’attaque de la direction du lycée, qui n’apprécie guère ses demandes ni sa popularité auprès des élèves.

Les dessins d’Emily Carroll sont à l’image de la couverture, toujours dans des tonalités de blanc, gris et noir et servent à merveille l’histoire qu’elle nous raconte.

Un roman graphique sensible et touchant qui ne peut que nous émouvoir et un sujet important à aborder auprès du public adolescent. On ne peut que saluer la très bonne initiative de Rue de Sèvres d’avoir édité ce roman graphique et espéré qu’il rencontre un grand succès car il aidera peut-être les personnes victimes de viol à libérer leur parole et à leur entourage à les accompagner au mieux.

Un grand merci à Doriane et aux éditions Rue de Sèvres pour cette lecture importante !

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