Romancière et journaliste, Sophie Loubière a longtemps partagé sa carrière professionnelle entre écriture et radio. Elle est l’autrice d’une douzaine de romans, de recueils de nouvelles et de nombreuses fictions audio. En 1999, son premier roman sort dans la collection » Le Poulpe « , sous la direction de Jean-Bernard Pouy. Suivront plusieurs romans, dont Dernier parking avant la plage, Dans l’œil noir du corbeau, L’Enfant aux cailloux traduit dans une vingtaine de pays et récompensé de cinq prix littéraires ou encore Cinq cartes brûlées. Obsolète est son premier roman à paraître chez Belfond Noir.
2224. Depuis le Grand Effondrement de la civilisation fossile et les crises qui ont suivi, l’humanité s’est adaptée. Économiser les ressources, se protéger du soleil, modifier son habitat, ses besoins, et adhérer au tout-recyclage. Y compris celui des femmes.
Afin d’enrayer le déclin de la population, toute femme de cinquante ans est retirée de son foyer pour laisser la place à une autre, plus jeune et encore fertile.
L’heure a sonné pour Rachel. Solide et sereine, elle est prête. Mais qu’en est-il de son mari et de ses enfants ? Car personne n’est jamais revenu du Grand Recyclage. Et Rachel sent bien que le Domaine des Hautes-Plaines n’est pas ce lieu de rêve que promet la Gouvernance territoriale aux futures Retirées…
Avec Obsolète, Sophie Loubière nous propose un roman absolument glaçant de la première à la dernière page. Convoquant tout autant le roman d’anticipation que la littérature de suspense, l’autrice nous offre une plongée fascinante et terrifiante dans un monde rétrofuturiste visionnaire où la femme est un produit sans grand avenir.
Je découvre Sophie Loubière avec cette dystopie qui met au cœur de son système l’obsolescence des femmes programmée à 50 ans. Car oui, dans ce monde où la stérilité est un problème pour la survie de l’espèce, les quinquagénaires ne servent à rien puisqu’elles sont ménopausées.
Dans ce futur, je serai déjà recyclée ! Je me suis donc sentie très concernée et révoltée par cette histoire dans la droite lignée de La servante écarlate et de Vox, bien que très différent dans ces thématiques. Ici le monde imaginé par Sophie Loubière peut paraître idyllique : il n’y a plus de chômage, de précarité, de solitude, de violence grâce aux bracelets qui contrôlent les émotions. Exit les meurtres, les guerres et les conflits liés à la religion car elle n’existe plus non plus.
Sans cette obsolescence des femmes, c’est un monde qui pourrait apparaître idyllique bien qu’aseptisé. Ici chacun accepte son sort, scellé depuis la naissance. Aux hommes, la vie de centenaires aux côtés de femmes de plus en plus jeunes pour procréer. Aux femmes, l’euthanasie ou le grand recyclage passé 50 ans.
Cette dernière option est auréolée de mystère car on ne sait pas ce qui attend les femmes au bout de ce dernier voyage en train. Il y a de nombreux parallèles avec la shoah dans le transport des femmes et dans ce qui leur arrive ensuite et les chasses aux sorcières qui ont embrasé l’Europe et qui ont causé la mort des femmes, pour la plupart, elles aussi ménopausées.
Ce qui est révoltant c’est que ce monde n’est pas particulièrement remis en cause, chacun a intégré cette norme depuis plus de 200 ans. Mais en suivant Rachel, Hosna et leurs copines, on découvre le grand chamboulement que cela peut créer ou non au sein de leurs familles.
De même, la mort inexpliquée de 3 petites filles trouvées dans une grotte va perturber tout le monde. Une évolution des mentalités va avoir lieu, comment enquêter ? Qui croire ? On a perdu de vue depuis bien des années la manière de mener une investigation. Un bracelet que chacun reçoit à son adolescence permet de gérer ses émotions et bien d’autres choses, donc un meurtre c’est tout simplement inimaginable.
J’ai beaucoup aimé Rachel, son père et son mari archéologue, des personnages qui nous permettent de comprendre cet univers et qui nous font réfléchir à notre manière de vivre aujourd’hui, au consumérisme et à la violence qui gangrènent notre société.
Sophie Loubière mêle habilement les genres avec ce roman et s’en sort avec brio. Le roman est dense, plein de suspens, passionnant et terriblement addictif malgré des longueurs qui auraient pu être évitées. Belette qui m’a accompagné dans cette lecture a tout autant apprécié cette lecture effrayante que moi, retrouvez son avis ici !