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Archive for the ‘Littérature autrichienne’ Category

Qui est cet inconnu capable d’en remontrer au grand Czentovic, le champion mondial des échecs, véritable prodige aussi fruste qu’antipathique ? Peut-on croire, comme il l’affirme, qu’il n’a pas joué depuis plus de vingt ans ? Voilà un mystère que les passagers oisifs de ce paquebot de luxe aimeraient bien percer.
Le narrateur y parviendra. Les circonstances dans lesquelles l’inconnu a acquis cette science sont terribles.

A bord d’un paquebot en route pour l’Argentine, deux hommes s’affrontent aux échecs. Le premier, Mirko Czentovic, est le champion mondial de ce jeu. Le second, M.B, n’a pas touché à un échiquier depuis vingt ans, par ordre du médecin.

Car la dernière fois qu’il y a joué, un contexte particulièrement douloureux l’a rendu schizophrène.

Ces deux personnages, singuliers et mystérieux, attisent la curiosité du narrateur, féru de psychologie. Dès lors, il se met en tête de les faire parler…

Paru de manière posthume en 1943, Le joueur d’échecs est la dernière œuvre de Stefan Zweig écrite en 1941, un an avant son suicide en exil.

L’excellente collection Pavillons Poche de Robert Laffont nous propose une nouvelle traduction inédite en poche, avec une préface très intéressante signée de sa traductrice, Françoise Wuilmart.

L’immense auteur autrichien aborde ici la percée du IIIème Reich et surtout les expérimentations nazies sur les effets de l’isolement absolu, lorsque, aux frontières de la folie, entre deux interrogatoires, le cerveau humain parvient à déployer ses facultés les plus étranges.

C’est ce qui est arrivé à M.B, confiné à l’isolement pendant de longs mois sans pouvoir parler à quiconque, lire ou écrire et qui a développé un intérêt pour les échecs lorsqu’il a réussi à mettre la main sur un manuel.

Dès lors, pendant ces longues journées seul avec lui-même, il a appris le livre par cœur, faisant et refaisant à l’envie des parties d’échecs dans sa tête, ce qui l’a amené à toucher de très près à la folie.

Une fable inquiétante, fantastique, qui, comme le dit le personnage avec une ironie douloureuse, « pourrait servir d’illustration à la charmante époque où nous vivons ».

Si cette thématique peut éveiller la curiosité, j’ai tout de même eu du mal à m’y intéresser sur la longueur. Je comprends la démarche de Stefan Zweig, qui a très tôt eu conscience claire du terrible danger que représentait Adolf Hitler pour les Juifs, pour l’Autriche et pour toute l’Europe. Moralement détruit par la guerre et malheureux en exil, il signe ici une histoire sombre qui rend bien compte de ses préoccupations.

Un texte sans aucun doute important, angoissant et inquiétant, un témoignage de la barbarie nazie mais loin d’être passionnant pour moi même si il se lit très bien. Peu importe, je compte bien continuer à poursuivre ma découverte des œuvres de Stefan Zweig sans doute avec La confusion des sentiments déjà dans ma PAL.

Un grand merci à Filipa et aux éditions Robert Laffont pour cette lecture !

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Par envie de se divertir, Irene Wagner, épouse d’un riche avocat, entretient une liaison avec un musicien, jusqu’au jour où, en sortant de chez son amant, elle est bousculée par une femme qui la reconnaît. Dès lors, Irene vit dans la peur. Victime d’un odieux chantage, elle paie des sommes de plus en plus folles, sans savoir comment expliquer ces dépenses inconsidérées à son mari, et perd tout ce qui fait son existence.

Irene Wagner est une femme de trente ans qui mène une vie de grande bourgeoise dans la Vienne de la double monarchie, celle de Schnitzler, Freud, Kraus et Hofmannsthal.

Entre les bals, les théâtres et les soirées mondaines, cette épouse de grand magistrat est autant à l’abri des soucis que des émotions, lorsqu’un jour elle cède, moins par vrai désir que pour échapper à l’ennui, aux avances d’un jeune pianiste.

Cet amant est vite intégré dans l’ordre de sa vie à l’instar de ses visites à sa couturière jusqu’à ce que son secret soit découvert par une autre femme qui la découvre sortant de l’immeuble de son amant, la poursuit et la soumet au chantage.

Entre l’angoisse de tout perdre et l’impossibilité de tout dire, la peur s’installe, vertigineuse. La seule échappatoire d’Irène : payer encore et toujours ou tout révéler à son époux.

Publié pour la première fois en 1920, Stefan Zeig a écrit La peur entre févier et avril 1913. L’excellente collection Pavillons Poche de Robert Laffont nous propose une nouvelle traduction inédite en poche, par souci à la fois de modernisation et de fidélité à la version originale.

L’immense auteur autrichien nous trace ici le portrait d’une femme adultère, prise au piège de sa condition sociale. Cette femme de magistrat choyée par sa famille et vivant un mariage bourgeois depuis maintenant 8 ans, vit une véritable descente aux enfers depuis qu’une maître-chanteuse la menace de raconter ses incartades à son époux.

Racontée sur un mode de quasi-thriller psychologique, comme le dit si bien Jörg Stickan dans sa passionnante préface que je vous conseille de lire ensuite et non pas avant car elle est tout de même spoilante, cette longue nouvelle se révèle addictive de bout en bout.

Fondée sur la montée de l’angoisse éprouvée par Irène, cette nouvelle épurée, diablement efficace et noire comme savent l’être les meilleurs thrillers psychologiques de notre époque, est très moderne dans sa narration et m’a beaucoup surprise. Je ne m’attendais en effet pas à une histoire aussi angoissante et cela m’a beaucoup plu.

Stefan Zweig fait monter la pression et nous soumet, avec Irène dont on est en empathie totale même si on réprouve l’adultère, à une tension permanente, jusqu’au point final même si j’avais deviné assez rapidement la personne qui resserrait l’étau autour d’Irène et mettait au comble de l’angoisse la jeune femme. Le dénouement ne m’a donc pas surprise, c’est mon petit bémol.

Ceci mis à part, La peur est une nouvelle magistrale portée par une plume ciselée, qui sonde l’âme humaine et que je vous incite à découvrir à votre tour.

Un grand merci à Filipa et aux éditions Robert Laffont pour cette découverte, j’ai adoré !

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Scandale dans une pension de famille « comme il faut », sur la Côte d’Azur du début du siècle : Mme Henriette, la femme d’un des clients, s’est enfuie avec un jeune homme qui pourtant n’avait passé là qu’une journée. Seul le narrateur tente de comprendre cette « créature sans moralité », avec l’aide inattendue d’une vieille dame anglaise très distinguée, qui lui expliquera quels feux mal éteints cette aventure a ranimés chez elle.

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Ce roman, sans doute le plus connu de Stefan Zweig, trainait dans ma PAL depuis des lustres, et il a fallu le billet de Céline qui avait beaucoup aimé, et la LC avec Métaphore pour qu’enfin je me décide à lire cet écrivain autrichien, qui remporte bon nombre de vos suffrages dans la liste des 100 romans à lire au moins une fois dans sa vie : et bien votez maintenant !

1904 Monte Carlo. Un scandale sans précédent agite une nuit d’été dans un palace monégasque : une mère de famille de 32 ans a abandonné mari et enfants, pour suivre un parfait inconnu, arrivé la veille. Le jeune, charmant et raffiné, avait séduit toutes les personnes présentes par son charisme. La femme qu’il a enlevé, en apparence terne et effacée, a perdu la tête d’après les pensionnaires logés dans l’annexe du palace. Tous la vouent aux gémonies, n’a-t-elle pas honte de jeter l’opprobre sur son mari et ses enfants ? Tous, sauf le narrateur, qui lui comprend, qu’une femme qui s’étiole dans un mariage de convenance, soit éblouie et séduite par un homme qui la fait sentir enfin femme.

L’émotion provoquée par la fuite et la soudaine liberté de Madame Henriette n’est ici qu’un prétexte. Cet événement va surtout être le déclencheur de la confession de Mrs C, une anglaise d’une soixantaine d’années, veuve depuis deux décennies, qui porte en elle un secret et le poids de la culpabilité depuis plus de vingt ans. Cette femme qui mène une vie respectable a elle aussi connu une passion aussi brève qu’intense puisqu’elle n’a duré qu’une journée, ce sont ces vingt-quatre heures brûlantes et enfiévrées, les plus importantes de sa vie, qu’elle va raconter au narrateur et qui va donner le titre à ce court roman paru en 1927.

Alors âgée de 40 ans, elle va faire la connaissance au casino de Monte Carlo, d’un jeune homme, à peine plus âgé que son fils, qui va perdre tout son argent sur le tapis vert de la roulette. Littéralement fascinée par ses mains, qu’elle va décrire longuement tant elles l’ont marquée, elle va le suivre lorsque celui-ci titubant, va s’asseoir sur un banc. Cet homme, au visage d’enfant, elle va vouloir le sauver malgré lui, de la ruine et du suicide.

Au-delà de cette confession qui décrit une passion qui emporte tout sur son passage mais qui n’a, au fond, rien de bien d’original, c’est bien le style brillant de Stefan Zweig qui m’a littéralement emportée pendant une centaine de pages, lues d’une traite. A la lecture de ce texte, je comprends pourquoi Stefan Zweig apparait comme l’un des écrivains les plus importants du siècle. Profondément humaniste et pacifiste, il a habillé son narrateur de ses qualités, qui apparait ici plutôt féministe. Il comprend en tout cas fort bien les femmes et les met à un pied d’égalité avec les hommes.

Le style m’a conquise mais aussi les sujets abordés et cette question cruciale : est-on prêt à tout abandonner pour quelqu’un que l’on ne connait que depuis quelques heures seulement. Mrs C et Madame Henriette, visiblement en sont capables, et si le roman se déroulait de nos jours, cela ne choquerait pas, mais lorsque l’on se replace dans le contexte, c’est-à-dire à la Belle Époque, une femme qui osait reprendre sa liberté, subissait l’opprobre générale et surtout perdait tout : sa position sociale, ses enfants, ses biens, etc, il fallait donc être amoureuse, sacrément téméraire ou totalement inconsciente pour prendre un tel risque. Anna Karénine en a fait l’amère expérience.

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Lu dans le cadre d’une lecture commune avec Métaphore et des challenges Lire sous la contrainte et Le tour du monde en 8 ans :

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