Littérature italienne

Les couleurs oubliées – Cristina Caboni

Cristina Caboni est apicultrice en Sardaigne. Depuis Le Parfum des sentiments (Presses de la Cité, 2016), ses romans, traduits dans une dizaine de langues, sont d’énormes succès en Italie et en Allemagne.

Stella, douce et rêveuse, est passionnée de peinture. Après avoir perdu son emploi, la jeune femme se réfugie chez sa grand-tante, Letizia, qui vit seule dans sa villa sur le lac de Garde.

Suite à un étrange jeu de piste orchestré par son défunt grand-oncle, Stella découvre, cachés dans une valise, des dessins qui la bouleversent. Mais quand elle interroge Letizia, celle-ci s’enferme dans un silence obstiné.

Stella tente alors de lever le voile sur l’origine de ces œuvres, pièces essentielles d’un puzzle qu’elle devra assembler pour libérer Letizia de la culpabilité qui la ronge. Une culpabilité ancrée dans l’une des périodes les plus difficiles de l’Histoire, lorsque l’horreur menaçait de l’emporter sur la solidarité…

Les couleurs oubliées signent mes retrouvailles avec la talentueuse romancière italienne Cristina Caboni dont j’ai déjà pu apprécier La maison aux miroirs et Une vie entre les pages.

L’autrice nous propose une histoire émouvante et passionnante, portée par des protagonistes attachantes que sont Stella, Letizia ou Luciana. Ce récit articulé autour des couleurs, car notre héroïne est peintre, est aussi empli de secrets et de souvenirs qui plonge le lecteur aux heures les plus noires de la seconde guerre mondiale.

Une fois encore, j’ai été charmée par ce roman à double temporalité qui sent bon l’Italie et par la plume belle et addictive de Cristina Caboni. Elle sait imprimer à ses récits une ambiance prenante et émouvante qui ne me laisse jamais indifférente.

Les liens familiaux, l’amour de la peinture et les secrets bien enfouis de Letizia et la culpabilité qui la ronge depuis des décennies autour des tableaux retrouvé,s sont au coeur de ce roman qui a su m’embarquer dès les premières pages sur les rives du lac de Garde.

Si j’ai été trouvé le récit au présent plaisant avec Stella qui ose enfin prendre son envol en temps que peintre et qui s’ouvre à l’amour dans les bras d’un beau chirurgien, c’est surtout celui au passé qui m’a passionnée et totalement bouleversée.

A travers Letizia, l’autrice nous montre l’impact de l’occupation nazie sur la population, les actions de la Résistance, la solidarité entre les habitants, le sauvetage d’enfants juifs… preuve que même dans l’Italie de Mussolini, il y avait des Justes et pas que des fascistes.

C’est un roman qui se révèle addictif et dépaysant, il tient le lecteur en haleine jusqu’au point final avec son lot de révélation aussi bien dans le passé que dans le présent. Chaque chapitre porte le nom d’une couleur et donne une teinte particulière à l’intrigue, une idée originale et bien exploitée au fil du récit.

Cristina Caboni confirme ici son grand talent de conteuse et de pourvoyeuse d’émotions, il ne fait aucun doute que je serai au rendez-vous de son prochain roman. Je vous le conseille évidemment !

Littérature italienne

La maison aux miroirs – Cristina Caboni

Cristina Caboni est apicultrice en Sardaigne. Depuis Le Parfum des sentiments (Presses de la Cité, 2016), ses romans, traduits dans une dizaine de langues, sont d’énormes succès en Italie et en Allemagne.

La maison aux miroirs, somptueuse villa de Positano, est le seul endroit où Milena se sent chez elle. Elle y a grandi avec son grand-père Michele et en connaît tous les recoins. Mais un jour, sa visite est troublée par une étrange découverte : un squelette retrouvé par des ouvriers dans le jardin de la propriété.

Michele, malade, semble particulièrement bouleversé. Au gré de ses délires surgit un nom : Eva, sa femme, disparue des années plus tôt, abandonnant mari et enfant et dont il est resté sans nouvelles depuis.

Milena va tenter de percer le mystère et plonger dans le temps et dans l’histoire, celle de l’âge d’or du cinéma italien, pour comprendre son passé et embrasser le présent. Et si la vérité se trouvait de l’autre côté du miroir ?

La maison aux miroirs, troisième lecture dans le cadre du #grandprixdeslecteurspocket, signe mes retrouvailles avec la romancière italienne Cristina Caboni que j’avais découverte avec Une vie entre les pages, son précédent roman.

C’est une histoire passionnante, bouleversante, qui m’a émue aux larmes, que nous propose Cristina Caboni et qui nous enchante par ses paysages colorés, la proximité de la mer et son atmosphère chaleureuse.

Un roman qui donne furieusement d’aller voir si le bleu du ciel de Positano est le plus beau du monde, humer ses citronniers, manger des pastas et des pizzas, c’est toute l’Italie qui est dans ce roman !

La plume de l’autrice est fluide et l’histoire rondement menée, au point que j’ai tourné les pages avec une certaine avidité pour venir à bout de ce récit en deux jours seulement.

L’enquête que mène Milena sur les traces d’Eva, sa nonna disparue et surtout l’histoire d’amour contrarié entre ses grands-parents, émouvante et tragique, nous prend et nous fait tellement bien sentir ces émotions de regret, de “et si seulement” qu’on remonterait le temps si on le pouvait, pour donner à leur amour une deuxième chance qu’ils méritent tant.

Le récit fait la part belle aux secrets de famille, aux non-dits et aux mensonges qui entourent la vie de Milena dans cette maison aux miroirs qui nous font passer de l’ombre à la lumière au fil de l’intrigue.

Les personnages, principaux et secondaires, sont attachants : Milena bien sûr que j’ai trouvé très touchante avec ce lien si particulier qui l’unit à son grand-père Michele et qui m’a beaucoup rappelé celui que j’entretenais avec le mien. Rosaria la gouvernante, Federico le chef des carabiniers, Gabriel et Eva, sans oublier Michele, inconsolable de la perte de sa fille et de la disparition de son épouse.

Si vous aimez les secrets de famille, l’Italie, le cinéma des années 50, je ne peux que vous conseiller cette lecture qui m’a emportée jusque sur la côte amalfitaine !

Littérature italienne

Les prisonniers de la liberté – Luca di Fulvio

Né à Rome où il vit et écrit, Luca Di Fulvio est l’auteur de dix romans dont trois sagas mythiques, parues chez Slatkine et Cie : Le Gang des rêvesLes Enfants de Venise et Le Soleil des rebelles.

1913, trois jeunes gens embarquent pour l’Argentine. La rebelle Rosetta fuit son village italien. A la mort de ses parents, harcelée, elle n’a eu d’autre choix que d’abandonner sa ferme.

Rocco, fier et fougueux jeune homme, laisse derrière lui sa Sicile natale. Il refuse de se soumettre à la Mafia locale.

Raechel, petite juive russe, a vu sa famille décimée dans un pogrom. Elle n’emporte avec elle que le souvenir de son père.

Le nouveau monde les réunira pour le pire et le meilleur…

L’an dernier, j’avais découvert la plume de Luca di Fulvio avec Le gang des rêves, son premier roman. J’étais sortie de cette lecture avec quelques bémols mais plutôt emballée.

Je m’attendais à apprécier tout autant l’un de ses derniers romans : Les prisonniers de la liberté, une grosse briquasse qui me promettait un dépaysement total en Argentine.

Hélas, ce ne fut pas le cas, je suis bien déçue et je pense m’arrêter là avec cet auteur qui rencontre un beau succès mais qui ne me convient pas.

Tout d’abord, le schéma narratif de ce roman ressemble un peu trop à mon goût au gang des rêves : une histoire d’émigration au début du XXè siècle, des péripéties en pagaille, de la violence, des thématiques fortes, de la mafia, de la prostitution et des longueurs à foison.

Ensuite, il y a bien trop de manichéisme et des personnages trop caricaturaux à mon goût : d’un côté, les bons sont très bons, tellement charitables et solidaires, débordant de bons sentiments… Et de l’autre, des méchants dans ce que l’on fait de pire : d’horribles criminels, impitoyables, cruels et sadiques.

L’auteur en fait des tonnes et rabâche sans cesse ce manichéisme et cette violence, jusqu’à l’insoutenable, parfois j’ai eu l’impression d’être dans un roman bien dégueu du marquis de Sade et pour moi, c’est vraiment pas un compliment. Trop de drama tue le drama et pour moi l’intrigue en perd toute crédibilité.

Au-delà de la violence gratuite, surtout faite aux femmes, ce qui m’a bien agacée (viols, tortures, coups, assassinats…), l’intrigue manque de réalisme : je m’étonne que des migrants fraîchement débarqués à Buenos Aires maîtrisent l’espagnol en l’espace de quelques semaines, notamment Rachael qui ne parle que russe ou yiddish en mettant le pied à Buenos Aires, et est en mesure de publier des chroniques pleines d’humour et de mordants dans un grand quotidien, lit des romans en espagnol sans aucune difficulté, etc.

Alors certes, Luca di Fulvio est une formidable conteur mais ce roman m’a fortement déçue : trop de ressemblances avec le gang des rêves, trop de violences gratuites, trop de manichéisme, n’est pas Ken Follett qui veut !

Belette, qui m’a accompagnée dans cette lecture, n’est pas d’accord avec moi, allez lire son avis ici.

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Le gang des rêves – Luca di Fulvio

Lu dans le cadre du Mois américain et du challenge 1 pavé par mois :

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Dramaturge, le Romain Luca Di Fulvio est l’auteur de dix romans.

New-York 1909. La belle Cetta Luminita a quitté son Italie natale pour qu’elle et son fils, Natale, puissent avoir une vie meilleure en Amérique. Dès son arrivée, elle rejoint la communauté italienne et la maison close de Mr Big.

Chaque matin et soir, Sal, l’un des hommes du chef l’emmène dans sa voiture de son petit appartement au bordel et inversement. Pendant la journée, Natale, rebaptisé Christmas à son arrivée à Ellis Island, partage son quotidien avec Tonia et Vito Fraina, les parents du meilleur ami défunt de Sal.

New-York, 1922. Christmas a seize ans, l’âge où sa mère a foulé pour la première fois le sol américain. En ces tumultueuses années 1920, pour des milliers d’Européens, la ville est synonyme de « rêve américain ».

C’est le cas pour Christmas Luminata, qui, du haut de son jeune âge, compte bien se tailler une place au soleil. Dans une cité en plein essor où la radio débute à peine et le cinéma se met à parler, Christmas grandit entre gangs adverses, violence et pauvreté, avec ses rêves et sa gouaille comme planche de salut.

Ruth Isaacson a treize ans. Petite-fille unique de Saul, un juif ayant fait fortune dans le textile, elle sort pour la première fois seule. Seule, pas exactement, Bill, le jardinier l’accompagne. Elle le trouve beau et gentil mais la sortie tourne mal pour l’adolescente. Bill, qui déteste les juifs, la viole, la bat, lui sectionne un doigt pour récupérer l’émeraude à son doigt, et la laisse dans une ruelle.

Christmas et son meilleur ami Santo la découvrent et l’emmènent à l’hôpital. Christmas et Ruth tombent amoureux et l’espoir d’une nouvelle existence s’esquisse pour Christmas qui rêve de passer le reste de sa vie avec la belle et riche Ruth…

Le gang des rêves est le premier roman de Luca di Fulvio à paraître en France en 2016 et il a connu un grand succès depuis. Comme il faisait beaucoup parler de lui, j’ai préféré laisser passer la vague avant de le découvrir à mon tour et j’ai bien fait car ce fut une belle lecture.

Roman fleuve de près de mille pages, on suit les destinées de plusieurs personnages sur deux époques proches : 1906 / 1909 où l’accent est mis sur Cetta, sa famille italienne et le viol dont elle est victime, viol qui donnera naissance à son fils bien aimé, Christmas. Puis, à partir de 1922, on suit principalement Christmas et sa mère mais aussi Ruth et Bill.

D’emblée, j’ai trouvé le roman passionnant et particulièrement addictif. Le récit a beau être épais, il se lit vite et bien et j’en suis venue à bout en cinq jours seulement tant j’étais happée par les péripéties que connaissent nos héros.

Luca di Fulvio a un talent évident de conteur, son style est fluide et dynamique et on a plaisir à découvrir l’histoire de la première à la dernière page même si je déplore quelques longueurs.

Si le roman est riche de détails, de rebondissements et très bien documenté, si il m’a autant plu c’est grâce à ses personnages même si, comme chez Ken Follett, ils sont assez manichéens : les gentils sont gentils et les méchants, méchants, pas beaucoup de nuances et c’est un peu dommage.

Of crouse, j’ai haï Bill, l’homme qui s’en prend toujours au corps des femmes, et son ascension abjecte à Hollywood m’a passablement mise en colère. Toutes les atteintes faites au corps des femmes sont révoltantes : viols, passages à tabac, prostitution…

Et j’ai beaucoup aimé Christmas, Cetta et Ruth qui sont les personnages principaux du récit et auxquels je me suis attachée : j’ai eu de la peine pour eux, j’ai tremblé ou je me suis réjouie et ils ne m’ont vraiment pas laissé indifférente. Mais il y a aussi de nombreux personnages secondaires qui ne manquent pas d’intérêt comme Sal, Clarence, Saul, Mickey, Karl et Cyril.

La toile de fond historique est passionnante aussi avec les différents règlements de compte entre mafias italienne, juive, etc, elle m’a rappelé les films de Martin Scorcese. L’évolution des médias est aussi au coeur du récit avec la radio et le cinéma.

Un roman que je ne peux que vous recommander et ce n’est pas Belette qui dira le contraire, nous sommes sur la même longueur d’ondes une fois de plus !

Littérature italienne

La petite herboristerie de Montmartre – Donatella Rizzati

Lu dans le cadre du challenge 1 pavé par mois :

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Après avoir été diplômée en langue et littérature étrangère, titulaire d’un master de traduction littéraire, Donatella Rizzati est devenue traductrice. La Petite Herboristerie de Montmartre est son premier roman, et a déjà été publié dans plusieurs pays.

A deux pas de la rue Lepic, à Montmartre, Viola Consalvi passe pour la première fois la porte d’une herboristerie. Cette romaine qui a refusé le destin tout tracé par son père, un chirurgien réputé, a abandonné ses études de médecine et s’est découvert un vif intérêt pour les médecines alternatives.

Pour cette passionnée de naturopathie, la découverte de ce lieu hors du temps est un véritable coup de foudre. Au contact de cet endroit magique et de sa propriétaire, Gisèle, la jeune étudiante est confortée dans son choix d’étudier la médecine alternative, choix que n’a, hélas, pas accepté sa famille.

Son diplôme en poche, Viola retourne à Rome et rencontre l’amour en la personne de Michel. S’ensuivent six ans de bonheur, qui volent en éclat quand Michel décède brutalement d’un arrêt cardiaque.

Bouleversée, anéantie, Viola se sent basculer. Au plus fort de la tourmente, une idée lui traverse soudain l’esprit : et si elle retournait à Paris, là où tout a commencé ?

J’avais trouvé La petite herboristerie de Montmartre dans une boite à livres il y a un an tout pile, il était donc grand temps d’en sortir, ayant envie d’une lecture plus légère après quelques romans plus exigeants. Donatella Rizzati nous propose ici une lecture détente, rien de transcendant ou de bien neuf mais pour s’aérer la tête, elle remplit parfaitement son rôle.

Vous connaissez mon goût pour les feel-good books mais je dois bien reconnaître que je commence à me lasser, déplorant de lire peu ou prou les mêmes histoires, avec les mêmes ressorts et les mêmes dénouements. Ce fut le cas avec cette lecture qui aborde le deuil, la reconstruction et le nouveau départ, comme quasiment à chaque récit feel-good.

Ce qui change un peu ici c’est le décor : une herboristerie, laissée dans son jus depuis des décennies et que Viola va dépoussiérer pour proposer en plus des plantes, des tisanes… des consultations de naturopathie, des séances de reiki et des ateliers pour fabriquer ses cosmétiques. Cet aspect est ce qui m’a le plus intéressé ici.

Ce récit est également porté par des sujets plus culturels puisque la naturopathie, le reiki, l’iridologie. Pour moi qui suis novice en ces matières, j’ai appris des choses. L’autrice nous propose aussi des fiches avec des recettes de tisanes et de cosmétiques à faire soi-même et j’ai trouvé que ça changeait un peu des recettes de cuisine dont on nous abreuve habituellement.

Parmi ces médecines alternatives, l’iridologie est celle qui revient le plus, car c’est la science favorite du défunt mari de Viola, et l’autrice s’attache à nous prouver que la vue joue un rôle très important, je n’ai pas été convaincue mais peut-être le serez-vous davantage que moi.

Mises à part ces thématiques, Donatella Rizzati ne sort guère des sentiers battus : elle nous sert une romance que l’on voit venir dès le départ, de ce côté-là on n’est pas surpris, dommage pour nous. Ses personnages sont plus agaçants qu’attachants. Il y a aussi un énorme secret de famille qui n’apporte, à mon sens, rien à l’histoire.

Un sympathique roman que je vais vite oublier, plein de facilités et une histoire vue et revue qui m’a fait passer un bon moment mais n’en attendez rien de plus.

Littérature italienne

Novecento : Pianiste – Alessandro Baricco

Ecrivain, musicologue, auteur et interprète de textes pour le théâtre, Alessandro Baricco est né à Turin en 1958. Dès 1995, il a été distingué par le prix Médicis étranger pour son premier roman, Châteaux de la colère. Avec Soie, il s’est imposé comme l’un des grands écrivains de la nouvelle génération. Il collabore au quotidien La Repubblica et enseigne à la Scuola Holden, une école sur les techniques de la narration qu’il a fondée en 1994 avec des amis.

Le Virginian, grand bateau de luxe, parcourt l’Atlantique inlassablement tout au long de l’année. On y trouve de riches hommes d’affaires voyageant entre le nouveau monde et l’ancien continent, de simples voyageurs ou des pauvres chassés par la famine d’Irlande, espérant faire fortune en Amérique.

Lors d’une traversée en 1900, un bébé est abandonné sur le piano des premières classes. Danny Boodmann, un mécanicien du bord, tombe sous son charme et décide de prendre soin de lui. Il le baptise Danny Boodmann T.D. Lemon Novecento.

Depuis lors, Novecento n’a jamais mis le pied à terre car il n’a aucune existence légale. Le vieux Boodman, ayant trop peur qu’on le lui enlève, ne l’a jamais déclaré et il passe sa vie sur l’Atlantique les mains posées sur un piano, à composer une musique étrange et magnifique, qui n’appartient qu’à lui : celle de l’Océan.

Et même si il n’a jamais mis pied à terre, il est à même de décrire Paris, Moscou, nous révéler de nombreux secrets, nous faire visiter Londres, New York, raconter aussi des histoires extravagantes à des touristes en quête d’aventures, et pourtant son seul refuge est ce paquebot qui traverse l’Atlantique cinq ou six fois par an avec plus de mille passagers à bord.

Ainsi nait sa légende de meilleur pianiste au monde…

Il y a près de huit déjà, j’avais adoré Soie, le récit captivant d’un sériculteur au Japon et que je vous conseille vivement. J’étais donc heureuse de retrouver Alessandro Baricco avec Novecento : Pianiste, un monologue écrit pour un comédien, Eugenio Allegri et un metteur en scène, Gabriele Vacis.

L’histoire de Novecento nous est racontée par Tim Tooney, son ami trompettiste qu’il va côtoyer pendant sept années, de 1927 à 1934. Il nous parle de sa virtuosité mais également de l’homme exceptionnel qu’il est. Un homme qu’il aime comme un frère et qu’il admire.

Un homme à la sensibilité à fleur de peau, un homme comme on en voit peu. Novecento est un artiste hors du commun, probablement le meilleur pianiste au monde. Mais un artiste qui ne connait que l’océan. Le monde hors du bateau reste pour lui un mystère, un effrayant mystère.

Bien que l’histoire soit courte, on se laisse happé par le destin de Novecento, sa personnalité attachante et on est bien triste d’arriver si vite au point final, d’autant que le dénouement se révèle poignant.

Comme pour Soie, Alessandro Baricco va à l’essentiel, le texte est beau et son écriture pure et poétique est un vrai régal et si vous ne connaissez pas cet auteur, je ne peux que vous recommander de le découvrir avec ce titre ou Soie.

Littérature italienne

Une vie entre les pages – Cristina Caboni

Apicultrice en Sardaigne, Cristina Caboni partage son temps entre ses abeilles et l’écriture. Ses livres sont tous d’énormes succès en Italie et en Allemagne. Après Le Parfum des sentiments et Le Jardin des fleurs secrètes, Une vie entre les pages est son troisième roman publié aux Presses de la Cité.

Sofia Bauer, relieuse à ses heures perdues, vit à Rome. Elle est mariée depuis cinq ans avec Alberto pour qui elle a abandonné son travail, ses amis. Et depuis que son couple bat de l’aile, elle sent son existence lui glisser entre les doigts, voudrait bien mettre un terme à ce mariage dont elle ne veut plus mais Alberto ne l’entend pas de cette oreille.

Passionnée de livres anciens, elle entre un jour par hasard, dans une librairie et s’y voit offrir un vieil ouvrage d’un auteur qu’elle admire, Christian Fohr, contre la promesse de le remettre en état.

Alors qu’elle s’attelle à la restauration Du discours de la nature, Sofia tombe sur une lettre manuscrite, dissimulée entre les pages. Celle-ci est signée de la main de la relieuse originale du livre, une certaine Clarice von Harmel, ayant vécu à Vienne au début du XIXe siècle.

Une femme qui s’est battue pour son indépendance et sa liberté, les payant au prix fort. Elle y évoque un fascinant secret que Sofia n’aura alors de cesse de mettre au jour, aidée en cela par Tomaso Leoni, chasseur de livres rares et expert en graphologie.

Indice après indice, le couple mène une enquête rocambolesque à travers l’Europe et redonne une voix à Clarice, dont le courage et la détermination guideront Sofia sur le chemin de sa nouvelle vie…

Une vie entre les pages est le troisième roman de l’italienne Cristina Caboni et cette histoire, pleine de charme, a su me séduire aussi bien dans sa partie contemporaine qu’historique même si j’ai une préférence pour Clarice qui a su se battre pour mener une existence conforme à ses désirs malgré les écueils qu’elle va rencontrer alors que Sofia n’a pas été capable de le faire dans une société, certes toujours aussi masculine, mais dans laquelle la femme a heureusement voix au chapitre.

J’ai beaucoup aimé l’enquête que va décider de mener Sofia, sa volonté à percer les secrets de la vie de Clarice. Cristina Caboni offre un véritable jeu de pistes à son lecteur et je me suis moi aussi attelée à chercher la solution aux énigmes.

La plume de l’autrice est fluide et l’histoire rondement menée, au point que j’ai tourné les pages avec une certaine avidité pour venir à bout de ce récit en deux jours seulement.

Les personnages, principaux et secondaires, sont attachants. La galerie de personnages proposée par l’autrice est intéressante : des grands-parents au libraire, pour le récit contemporain, au voisin relieur de Clarice pour le récit historique, tous ont leur importance et j’ai apprécié cet aspect.

Ce que j’ai aussi beaucoup aimé, c’est le parallélisme indéniable entre les deux héroïnes à deux siècles près, leur amour inconditionnel pour les livres et le dénouement proposé par l’autrice qui a bien des ramifications.

Deux petits bémols toutefois : j’aurai aimé que Cristina Caboni nous montre Clarice en train de relier les livres car on ne la voit jamais à l’oeuvre et l’histoire d’amour entre Sofia et Tomaso bien trop prévisible, mais ceci mis à part, quel beau roman !

Je ne peux que vous recommander cette ode au pouvoir des livres, mais aussi au courage et à la force des femmes et à remercier les éditions Presses de la cité pour cette lecture qui m’a transportée et exaltée pendant près de 400 pages.

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Mangoustan – Rocco Giudice

Né en 1982 d’un père italien et d’une mère espagnole, Rocco Giudice vit entre Hong Kong et Genève. Mangoustan est son premier roman.

Melania est mariée à un Priape raciste et misogyne devenu président des États-Unis, en dépit de ses prières à la Vierge Marie pour que cela n’arrive pas. Elle doit quitter son penthouse de 3 000 m2 de la Trump Tower pour un modeste appartement au sein de la Maison Blanche.

Irina, ex jeune fille pauvre venue d’Ukraine, partage la vie d’un publicitaire suisse condescendant, avec une peur au ventre : la misère.

Laure vient de se faire plaquer par un homme sans goût ni saveur qui la quitte pour leur femme de ménage après trente ans de vie commune. Exit un train de vie bourgeois, elle va devoir travailler et surtout faire le deuil de son mariage. Personne ne comprend sa détresse, heureusement, elle peut compter sur sa jeune sœur pour l’épauler.

Elles ne se connaissent pas mais ont tant de choses en commun : une volonté de fer pour s’émanciper de leur mari dominateur, un sens de l’humour vif et piquant et un certain isolement.

Mais ce qui les lie par-dessus tout, c’est un typhon qui répond au doux nom de Mangoustan. Et qui s’apprête à balayer Hong Kong le week-end où elles s’y trouvent toutes les trois.

Mangoustan est le premier roman de Rocco Giudice Basile, et signe mes retrouvailles avec la littérature italienne. Déjà échaudée de nombreuses fois, je ressors une fois encore déçue par la lecture d’un roman italien. Pour quelle raison mes rendez-vous avec cette littérature sont des échecs, je ne saurai vous le dire !

Et pourtant le postulat de départ me plaisait bien : ces trois femmes fortes qui tentent de s’éloigner du joug de leur compagnon m’a paru un bon élément de départ.

L’idée est excellente mais je trouve que l’auteur l’a bien mal exploité. Si le décryptage de la personnalité de la first lady Melania Trump et ses messages passés au monde via sa garde-robe sont très intéressants et les points forts du roman pour moi, les deux autres personnages féminins ne m’ont pas intéressé et c’est bien dommage.

Tout au long de ma lecture qui fut rapide car le roman est très court et le style de l’auteur plutôt fluide, j’ai gardé une distance par rapport à ce que je lisais, je suis restée totalement en retrait, ne ressentant aucun attachement, aucune empathie pour ses femmes qui ont misé sur des hommes puissants et riches pour mener la belle vie et s’élever sur l’échelle sociale.

Il manque pour moi une bonne dose d’émotion à l’histoire, de relief et surtout de profondeur aux personnages féminins. Je ne les ai pas toujours trouvés très nuancés, parfois à la limite de la caricature. Et puis, j’attendais bien plus de cette histoire qui se révèle somme toute très banale et plate.

L’histoire n’est finalement pas originale du tout : des femmes belles unies à des hommes puissants, une quinquagénaire plaquée après 30 années de bons et loyaux services à son mari et à ses enfants, etc.

Je ne comprends pas l’engouement autour de ce roman que j’ai trouvé globalement sans intérêt. Heureusement Melania était là pour m’empêcher d’abandonner cette lecture que j’ai fini en diagonale malgré tout.

Pour moi, c’est une grosse déception et la plus mauvaise lecture du mois pour le moment, un roman vite lu et aussi vite oublié.

Merci aux éditions Allary et à Babelio pour cette découverte !

Littérature italienne

Petits miracles au bureau des objets trouvés – Salvatore Basile

Poupées, sacs à main, carnets, téléphones, lunettes… on ne s’intéresse jamais aux objets trouvés. Pourtant, ils ont appartenu à quelqu’un, ils ont été choisis, aimés. Dans une petite gare italienne, un homme les collectionne avec dévotion. Ce sont ses seuls amis, croit-il. Jusqu’au jour où il trouve un carnet rouge.

Dans la petite gare de Miniera di Mare, en Italie, Michele collectionne les objets trouvés. Depuis trente ans, le jeune gardien n’a jamais quitté ce lieu. Son père en était le chef de gare et à ce titre, bénéficiait d’un logement de fonction dans l’enceinte de la gare dont Michele a hérité à la mort de ce dernier.

Cette gare, c’est toute sa vie. C’est là, où, enfant, il a vu sa mère disparaître en emportant comme seul souvenir son journal intime, un carnet rouge dans lequel il notait ses espoirs, ses envies et tout ce qui faisait son quotidien.

Un soir, alors qu’il s’apprêtait à manger son bouillon, Elena, une jeune femme à la vitalité exubérante, toque à sa porte. Elle a oublié dans le train la poupée de sa sœur et déboule dans sa vie comme un tourbillon, venant briser la solitude dans laquelle il est depuis longtemps plongé.

Mais la peur d’un nouvel abandon paralyse Michele. Jusqu’à ce qu’il découvre, coincé entre deux sièges d’un wagon, le journal intime de son enfance. A-t-il été déposé là par sa mère ? Elena le pousse à la retrouver coûte que coûte…

Petits miracles au bureau des objets trouvés est le premier roman de Salvatore Basile, scénariste et réalisateur italien. Je connais très mal la littérature italienne, je me réjouissais donc de découvrir ce roman qui m’apparaissait comme touchant. Touchant, il le fut mais ennuyeux encore davantage. J’ai beaucoup aimé le tout début du roman, découvrir Michele, incapable de sortir de l’enceinte de la gare et Elena. Leurs trajectoires, leurs fêlures et leurs personnalités totalement opposées.

Alors que Michele est mou et d’une tristesse à pleurer, Elena est une jeune femme pétillante et pleine de vie. Ce sont des personnages plutôt attachants seulement voilà il ne se passe pas grand chose dans ce roman, par ailleurs plein de longueurs, je ne les goûte guère et j’ai lu en grande partie ce roman en diagonale tant j’avais hâte d’arriver au point final.

Salvatore Basile raconte l’histoire de destins fêlés qui se croisent et reprennent ensemble goût à la vie mais il se concentre surtout sur les sentiments de Michele et sur ses interrogations : faut-il mieux prendre des risques alors qu’on a une vie banale qui nous convient ? Peut-il faire confiance à Elena au risque de se voir abandonné ? Doit-il partir à la recherche de sa mère alors qu’elle n’a jamais donné signe de vie depuis son départ vingt-cinq ans auparavant ?

Tous ces atermoiements, ces questionnements ont fini par me lasser car j’avais l’impression que l’histoire tournait un peu trop en rond et manque cruellement de réalisme.

Dommage car le texte est assez poétique, les personnages qui le traversent, intéressants, mais je suis passée à côté de ce roman trop lent pour moi.

Littérature italienne

Un cœur vaillant – Caterina Soffici

Italie, 2001. À la mort de sa grand-mère, Bartolomeo trouve au fond d’un tiroir une lettre qui pique sa curiosité. Elle indique que son grand-père aurait  » disparu, probablement noyé « . Des mots qui contredisent l’histoire familiale selon laquelle il serait tombé au combat. 
Ses recherches le mènent jusqu’à Florence Willis, une vieille dame anglaise qui a connu ses grands-parents. À travers le récit de ses souvenirs, Bart se retrouve plongé dans les années 1930, au coeur de Little Italy, le fameux quartier italien de Londres, où ses grands-parents avaient immigré. 
En quête de vérité, Bartolomeo et Florence nouent une profonde amitié et se lancent dans un voyage terriblement émouvant qui mettra en lumière une histoire longtemps oubliée.

Eté 2001, Milan. Florence Willis, une vieille dame anglaise de 80 ans, vit seule depuis le décès de Michele. Son mari italien, elle l’a rencontré en 1938 à Londres, alors qu’elle travaillait au ministère de l’intérieur.

Michele était serveur au Restaurant Ivy, un établissement de luxe tenu par un italien, où se rendait quotidiennement le chef de Florence à qui elle devait apporter des documents pour le premier ministre Chamberlain avec lequel il déjeunait.

C’est ainsi qu’elle va faire la connaissance de Lina et son mari Bartolomeo, le meilleur ami de Michele. Avec eux, elle va vivre les heures sombres de la guerre, les bombardements mais aussi les rafles qui vont toucher Little Italy, le quartier italien de Londres.

Alors qu’elle perd peu à peu la mémoire et les repères, un coup de fil de Bartolomeo Berti, le petit-fils de Lina et Bart, va la replonger dans cette époque troublée et aider Bart à combler son histoire familiale pleine de secrets…

Dans son premier roman, Un cœur vaillant, Caterina Soffici nous propose un récit fictif mais inspiré par des faits réels et nous raconte, entre l’Italie et la Grande-Bretagne, l’histoire de Bartolomeo, un jeune étudiant et celle de Florence, une vieille dame, qui vont se lancer sur les traces de l’Arandora Star, un bateau coulé par une torpille allemande en 1940.

J’ai découvert à cette occasion un épisode totalement méconnu de la Seconde Guerre mondiale. L’auteure oscille en effet entre 1938 et 1940 et 2001, lorsque Lina, la grand-mère de Bart meurt et que le jeune homme découvre que son grand-père, dont il porte le prénom, a succombé lors du naufrage de l’Arandora Star que Caterina Soffici fait revivre ici.

Les protagonistes de ce roman vivaient en ces temps troublés dans Little Italy, un quartier de Londres. Principalement commerçants, ils avaient fui la misère de leur péninsule natale ou le fascisme mais lorsque Benito Mussolini, le dictateur italien, déclare la guerre à l’Angleterre et à la France, les italiens du Royaume-Uni, vont devenir des ennemis de l’intérieur.

Qu’ils soient juifs ou catholiques, fascistes ou non, l’Etat ne va pas faire de distinction et arrêter tous les ressortissants italiens de sexe masculin âgés de 20 à 60 ans qui vont être internés dans des camps et déportés vers l’île de Man.

C’est lors d’une traversée, que ce paquebot de luxe réquisitionné par l’armée, va couler le 2 juillet 1940 avec 1500 personnes à son bord. Cette tragédie a coûté la vie à 805 personnes : 55 officiers et membres d’équipage dont le capitaine sur 174, 37 gardes militaires sur 200, 243 allemands sur 565 et 470 italiens sur 734.

Cet événement tragique va servir de trame principale, socle qui va nous permettre de découvrir l’histoire de Florence, Michele, Lina et Bartolomeo aux temps des jours heureux, un quotidien émaillé de vin, de bonne cuisine italienne, de danses et de rires. Des temps heureux qui vont être fracassés avec l’entrée en scène de l’Italie dans le conflit mondial.

Ce roman m’a totalement embarquée dès la première page et m’a à la fois horrifiée par les faits relatés et passionnée, je l’ai trouvé sensible et délicat, d’une grande qualité littéraire, porté par les personnages de Bartolomeo et Florence, particulièrement attachants, plein de failles et d’aspérités.

Un coeur vaillant est un premier roman très bien écrit et documenté, captivant, que je vous conseille vivement si la seconde guerre mondiale vous intéresse, il ne manquera pas de vous plaire.

Un grand merci à l’agence Anne et Arnaud et aux éditions Les escales pour cette lecture, j’ai adoré !