Littérature française

La gloire des maudits – Nicolas d’Estienne d’Orves

Lu dans le cadre du challenge 1 pavé par mois :

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Fille d’un collaborateur exécuté sous ses yeux à la Libération, Gabrielle Valoria doit écrire la première biographie de Sidonie Porel. Mais qui est vraiment Sidonie Porel ? La plus célèbre romancière de son époque ou une imposture littéraire ? Une grande amoureuse ou une manipulatrice ?
En plongeant dans le passé de cette femme qu’elle craint et qu’elle admire, Gabrielle découvre un univers où grouillent les menteurs et les traîtres. Ecrivains, politiciens, journalistes, prostituées, grands patrons : tous cachent un secret qui tue…

Paris, 1955. Sidonie Porel, la grande prêtresse des lettres et présidente de l’académie Goncourt vient de trouver la mort dans un accident de voiture. Suicide ? Meurtre ? Ou simple accident ?

Quelques mois plus tôt, Gabrielle Valoria, fille d’un collaborateur exécuté à la Libération de Paris, tire le diable par la queue dans le grand appartement familial du Palais-Royal.

Depuis le décès de sa mère, elle a à charge son petit frère de 15 ans et ce n’est pas avec ses gains d’écrivain public qu’elle arrive à s’en sortir. La mort dans l’âme, elle est contrainte de vendre le portrait de son père peint par Picasso.

C’est alors qu’elle commence à recevoir des lettres de Léon Drameille, un rescapé de la Grande Guerre qui lui apprend que la célèbre Sidonie Porel est coupable d’imposture et qu’elle lui a volé la grande œuvre de sa vie.

Il a rencontré celle qui deviendra la plus célèbre écrivaine de son temps alors qu’ils usaient leurs fonds de culotte sur les bancs de l’école de Senlis. Entre le fils d’un notaire aisé et la fille de simples paysans, une grande amitié naît puis une histoire d’amour et enfin, un premier roman à quatre mains.

Drameille entend faire éclater la vérité et propose à Gabrielle de s’immiscer dans l’intimité de Sidonie Porel afin de la démasquer. Pour cela, elle sera grassement rémunérée…

Mêlant pour notre plus grand bonheur personnages historiques et personnages inventés, Nicolas d’Estienne d’Orves nous fait partager la vie d’une grande dame de la littérature : Sidonie Porel, mélange habile de Colette, Simone de Beauvoir et Elsa Triolet, présidente de l’Académie Goncourt et de Gabrielle, jeune femme dont le père a été fusillé pour actes de collaboration.

Grande Histoire, histoires de famille, de vengeance, d’amour, d’imposture, de trahison, ce roman passionnant et très bien écrit nous fait découvrir le monde culturel et littéraire de l’époque avec de nombreuses figures totalement oubliées de nos jours.

Nicolas d’Estienne d’Orves nous propose avec La gloire des maudits, une grande fresque sur le Paris de l’après-guerre où il est beaucoup question des années d’occupation et d’épuration avec des personnages qui doivent assumer les conséquences de leurs actes pendant la guerre et notamment leurs accointances avec le IIIè Reich.

Au-delà de l’aspect historique du roman qui m’a particulièrement plu, j’ai beaucoup aimé l’héroïne. Le personnage de Gabrielle, adolescente pendant la guerre qui menait une vie insouciante, propre à son âge et à son milieu social, à qui on ne cesse de reprocher l’attitude de son père pendant le conflit.

Un père qu’elle adore et dont le seul crime était lui aussi de mener une vie de dilettante et de luxe, entrainé à côtoyer l’occupant par ses amis franchement acquis à la cause d’Hitler.

J’ai aimé aussi le personnage de Léon Draveille à qui la première guerre mondiale a tout prix : Sidonie tout d’abord qui le quitte le jour même de la mobilisation et qui s’approprie son œuvre, qui revient défiguré et amputé d’une jambe, et qui vit depuis l’armistice du 11 novembre 1918 dans l’amertume et la colère.

Mais bien sûr ce qui est réellement passionnant c’est de (re)découvrir le monde des lettres et la coterie littéraire des années 50. Grâce à Gabrielle et Sidonie, on assiste aux réceptions chez Gallimard, aux délibérations pour le prix Goncourt au sein même de Drouant, on entre par la grande porte dans les derniers salons littéraires…

Et cerise sur le gâteau, le suspens ! On suit pas à pas l’enquête de Gabrielle sur la vie passée de Sidonie et ses zones d’ombre. La romancière se révèle particulièrement complexe à comprendre et les chemins qu’emprunte sa biographe mènent souvent à des impasses.

Un roman historique passionnant, qui souffre de quelques longueurs dans le dernier tiers de l’intrigue mais qui s’est révélé prenant et passionnant !

Un grand merci aux éditions Albin Michel pour cette très belle lecture.

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