Littérature américaine

La muse – Rita Cameron

Dans son enfance, Rita Cameron admirait les femmes éblouissantes des tableaux préraphaélites et passait des heures à imaginer les vies romantiques des artistes qui les avaient peints. Elle a étudié la littérature anglaise à l’université de Columbia et le droit à l’université de Pennsylvanie. Mais à l’instar de nombreux juristes, elle rêvait d’écrire un roman.

Avec son teint diaphane et sa longue chevelure cuivrée, Lizzie Siddal n’a rien de l’idéal victorien aux joues roses, d’autant que c’est une intellectuelle qui aime l’art et la poésie.

À l’atelier de chapellerie de Mrs Tozer à Cranbourne Alley où elle travaille, Lizzie assemble des coiffes somptueuses destinées à de jeunes élégantes fortunées et détonne auprès de ses collègues toutes issues du peuple.

Un jour, elle attire l’attention du peintre et poète préraphaélite Dante Gabriel Rossetti. Envoûté à la fois par sa beauté sublime et ses dons artistiques, celui-ci l’entraîne dans l’univers scintillant des salons et des soirées bohèmes.

Mais incarner la muse que tous les artistes rêvent d’immortaliser se révélera bien plus cruel que tout ce que la jeune femme pouvait imaginer.

Avec La muse, Rita Cameron brosse le portrait vivant de personnages historiques plongés dans une trouble histoire d’amour non conformiste qu’elle tisse avec de nombreux détails saisissants.

Ce faisant, elle donne voix au chapitre à l’une des femmes les plus influentes et les plus oubliées de cette période fascinante qu’est la deuxième moitié du xixe siècle.

À la fois artiste et muse, Elizabeth Siddal avait jusque-là captivé tous les regards sans être réellement appréciée pour elle-même. Muse des Préraphaélites, découverte par Walter Deverell, elle fut peinte par William Holman Hunt, John Everett Millais, notamment dans son célèbre tableau Ophélie (1852) et Dante Gabriel Rossetti qui n’utilisa alors quasiment plus aucun autre modèle, l’empêchant de poser pour les autres préraphaélites. Le nombre de peintures qu’il fit d’elle se comptent en milliers.

Ophélie de John Everett Millais

Vous le savez sans doute mais j’aime beaucoup retrouver l’art dans les romans et je trouve les muses assez fascinantes, autant dire que sur le papier il avait vraiment tout pour me plaire et il ne m’a pas déçue !

Je ne savais rien de la vie de Lizzie Siddal et avec ce roman qui lui rend hommage, j’ai découvert une femme d’une grande sensibilité, une véritable artiste qui avait un réel talent de poétesse et de peintre et qui prit son rôle de muse très au sérieux, au point d’avoir failli mourir pour l’Ophélie qui l’obligeait à rester des heures sans bouger dans une baignoire d’eau froide en plein mois de décembre.

Encore une figure de femme injustement oubliée qui revit ici sous la plume de Rita Cameron qui signe son premier roman. Très bien documenté, le récit nous plonge au coeur du XIXè siècle et dans le cercle des Préraphaélites et a parfaitement correspondu à mes attentes.

Au-delà de la biographie romancée de Lizzie Siddal, l’autrice nous fait pénétrer dans l’intimité des peintres du courant des Préraphaélites et celui qui les a fait connaître, le critique d’art et mécène John Ruskin.

Elle revient longuement sur l’histoire d’amour romantique entre Dante Gabriel Rossetti et Lizzie. Amour qui défraye la chronique car Rossetti repousse sans cesse leur mariage, obligeant Lizzie à vivre maritalement avec lui et à rompre avec sa famille qui refuse cette union libre, très mal vue dans cette époque victorienne particulièrement prude.

On mesure à cette lecture combien Lizzie a fait de sacrifices par amour pour Rossetti, qui, comme tous les génies, est d’un égoïsme féroce. Il ne pense qu’à son art, multiplie les liaisons et finira par convoler avec elle, lorsqu’il comprend qu’elle se meurt littéralement à cause de lui.

Un roman bien écrit, bouleversant et réellement passionnant que j’ai dévoré en trois petits jours tant j’étais curieuse de découvrir la trajectoire de Lizzie. Je vous le conseille !

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