Littérature française

Un clafoutis aux tomates cerises – Véronique de Bure

Au soir de sa vie, Jeanne, quatre-vingt-dix ans, décide d’écrire son journal intime. Sur une année, du premier jour du printemps au dernier jour de l’hiver, d’événements minuscules en réflexions désopilantes, elle consigne ses humeurs, ses souvenirs, sa petite vie de Parisienne exilée depuis plus de soixante ans dans l’Allier, dans sa maison posée au milieu des prés, des bois et des vaches.

Premier jour du printemps, Jeanne, pimpante nonagénaire, entame son premier journal intime. Jour après jour, elle nous livre son quotidien, ses petits bonheurs, ses chagrins, le tout émaillé de ses souvenirs.

Jeanne va se remémorer son enfance, ses années de pension, l’Occupation, sa rencontre, son mariage et sa vie avec René, son défunt mari et ses enfants. Sa difficile adaptation à la vie campagnarde, elle qui était parisienne en diable. La cohabitation douloureuse avec sa belle-mère, ses relations avec ses parents et avec son frère…

Au soir de sa vie, Jeanne évoque ses journées avec ses copines, entre bridges et goûters, sur un ton tantôt pétillant tantôt nostalgique, au moment où ses dernières connaissances, amies, membres de sa famille, peu ou prou du même âge qu’elle, rendent leur dernier soupir et où elle nous parle du bon dieu.

Un clafoutis aux tomates cerises est un très beau roman sur le grand âge, mené par une héroïne ô combien attachante, qui a plutôt bon pied bon œil pour ses 90 ans, puisqu’elle a toute sa tête et une peur panique de l’Alzheimer, elle conduit, parfois les yeux fermés, sa petite voiture, elle vit seule et s’occupe de son jardin, se fait à manger, qui lit, qui joue aux cartes…

C’est une chronique d’une femme qui vit ses dernières saisons au cœur de la campagne, entre Moulins et Vichy, avec pour seuls voisins Marcelle accro au sucre qui perd la tête et son mari Fernand. Ses enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants sont à Paris mais viennent régulièrement la voir, au grand dam de la vieille dame qui n’aspire qu’à une chose : sa tranquillité.

Jeanne est une sympathique vieille dame qui vit entre le présent et le passé, s’étonne de notre monde moderne et de ses inventions, vit au rythme des saisons en se suffisant de peu, nostalgique d’une époque révolue et pourtant dure.

Elle ne comprend pas ce monde qui a gommé Dieu, où les gens vivent à un rythme fou et se réjouit de bientôt clore sa vie avant d’être tout à fait dépassée par cette nouvelle époque dans laquelle elle ne s’adapte pas.

Se posant mille questions sur l’utilité de nos objets contemporains, établissant un parallèle entre le monde d’hier et celui d’aujourd’hui, elle m’a fait tantôt sourire ou rire, tantôt émue aux larmes.

La liberté de vie et de ton est l’un des privilèges du très grand âge et Véronique de Bure ne s ‘en prive pas : aussi Jeanne fait-elle ce qu’elle veut et ce qu’elle peut : regarder pousser ses fleurs, boire du vin blanc avec ses amies, faire des parties de bridges, s’amuser des mésaventures de Fernand et Marcelle, le couple haut en couleurs de la ferme d’à côté, accueillir pas trop souvent ses petits-enfants, remplir son congélateur de petits choux au fromage, déplier un transat pour se perdre dans les étoiles en espérant les voir toujours à la saison prochaine…

Je trouve que l’auteure s’est merveilleusement coulée dans le personnage de Jeanne, on a beau savoir qu’Un clafoutis aux tomates cerises est un roman, on a vraiment l’impression de lire le journal intime d’une vieille dame et on n’a qu’une envie : la prendre dans nos bras, l’aider à faire ses choux, boire un petit muscat bien frais à ses côtés, équeuter ses haricots verts, etc.

Vous l’aurez compris, j’ai eu un coup de cœur pour ce très très joli roman sur la vieillesse et le temps qui passe que j’ai dégusté et quitté à regret. Je vous le recommande vivement !

21 commentaires sur “Un clafoutis aux tomates cerises – Véronique de Bure

  1. Non, pas pour moi, trop à lire… Mais je ris devant ses réflexions sur les gens qui ont gommé Dieu… j’ajouterai que les gens se sont réinventés de nouveaux dieux, humains, cette fois-ci… je me pose des questions aussi et je n’ai pas de réponses 😀

  2. Oui un joli livre que j’ai offert à ma maman (86 ans) qui l’a adoré….. J’ai rencontré Véronique De Bure lors de la fête du livre de Montaigu : charmante, pétillante et elle a expliqué qu’elle avait observé sa mère et l’a pris comme modèle. A mettre entre toutes les mains.:-)

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