Littérature française

Après l’océan – Laurence Peyrin

Journaliste pendant vingt ans, Laurence Peyrin a choisi de tout quitter pour écrire. Depuis, elle construit une oeuvre romanesque unique, qui allie des histoires passionnantes, des personnages forts, une intensité d’émotion et une belle écriture. De La drôle de vie de Zelda Zonk, prix Maison de la presse 2015, à Ma Chérie en passant par L’Aile des vierges ou Les Jours brûlants, ses romans ne cessent de conquérir les lecteurs.

En ce printemps 1912, parmi d’autres naufragés hagards tirés de l’océan, Letta Alistair, 24 ans, serre contre elle sa petite soeur Molly en regardant approcher la statue de la Liberté. Elles sont les deux seules survivantes de leur famille, engloutie comme 1491 personnes avec « l’insubmersible » Titanic.

Les soeurs Alistair ont tout perdu. Leur père, Charles, dit le roi de la tourte, célèbre pour ses pâtes brillantes, ses viandes moelleuses mêlées d’oignons caramélisés, avait embarqué famille et biens pour développer son savoir-faire à New York. Letta ne peut même pas s’autoriser le désespoir, car Molly l’inquiète, plongée depuis le drame dans un profond mutisme.

Le naufrage du Titanic est un événement majeur qui secoue toute l’Amérique, et les victimes sont prises en charge, logées à l’hôtel, examinées à l’hôpital. Et après ? Letta va devoir puiser très loin en elle pour survivre dans ce New York qu’elle n’aime pas et qu’elle ne comprend pas.

Et se battre pour sauver sa petite soeur bientôt qualifiée de « folle » dans un siècle qui traite mal les fous…

Après l’océan signe mes retrouvailles avec Laurence Peyrin, une autrice qui ne me déçoit jamais. Si ce roman ne vient pas détrôner mon trio préféré composé de L’aile des vierges, Miss Cyclone et Une toute petite minute, j’ai tout de même beaucoup aimé cette histoire de reconstruction.

Si le naufrage du Titanic a donné lieu à moult livres (essais, romans, bandes dessinées…), films ou séries, ils se contentent souvent de retracer le naufrage. Ici Laurence Peryin ne s’attarde pas sur le déroulé du naufrage ou du sauvetage des survivants par le Carpathia mais sur l’après.

Comme certainement beaucoup d’entre vous, le naufrage du Titanic est un fait divers ô combien tragique qui m’intéresse depuis toujours. Il y a quelques années de cela, j’avais lu L’enfant du Titanic qui se passait principalement après le 15 avril 1912, ce qui est aussi le cas de La petite couturière du Titanic.

Si vous cherchez un roman qui a réellement pour cadre le Titanic, ne lisez aucun d’entre eux, vous risqueriez d’être très déçu(e)s. Laurence Peyrin nous raconte ici le quotidien de Letta qui débarque avec ses vêtements sur le dos et c’est tout ! Sa jeune soeur Molly, traumatisée par les évènements, en a perdu la parole et traverse un épisode de catatonie.

Rescapées du Titanic, que deviendront les deux sœurs Alistair, seules dans un New York inconnu ? Pour le savoir, il vous faudra lire ce roman historique très bien écrit et documenté. Laurence Peyrin, qui adore New York, a bien potassé l’histoire de la ville et ce qu’elle nous en dit est passionnant.

A travers Letta, on découvre des lieux emblématiques de l’époque notamment la plus vieille pharmacie C.O Bigelow, Central park, l’asile psychiatrique de Blackwell tant décrié par Nellie Bly mais aussi l’usage du laudanum…

Laurence Peyrin, à travers le personnage de Molly, s’intéresse au trouble de stress post-traumatique (TSPT) qui ne sera reconnu officiellement qu’en 1980 par l’OMS et l’APA (association de psychiatrie américaine). Elle réintroduit aussi le nom de Nellie Bly, la première journaliste d’investigation, qui s’était fait passer pour folle pour enquêter durant 10 jours sur l’île Blackwell.

Au-delà de l’histoire de Letta qui se débat pour gagner sa vie sur le sol américain et pour aider Molly à guérir, Laurence Peyrin nous offre un autre personnage féminin qui vaut le détour : Natalie, une fille d’immigrés russes. Cette ancienne gynécologue divorcée est devenue pharmacienne à C.O Bigelow suite à un accident de tramway qui lui a pris sa jambe.

Femme forte, indépendante, elle a pris sous son aile son petit frère Jacob, ancien médecin, qui fou de douleur après le décès de sa femme et de sa fille, a subi les bains et les traitements de choc de Blackwell et en est revenu traumatisé.

A travers ces deux trajectoires, Laurence Peyrin nous fait réfléchir à la fois sur la condition féminine aux États-Unis au début du XXe siècle, et sur l’enfer auquel ont dû faire face celles et ceux qui avaient survécu au naufrage et tout perdu au fond de l’océan. Comment se reconstruire lorsqu’on a tout perdu, ses proches et ses biens matériels ?

Un roman historique réaliste et prenant que je vous conseille comme tous les autres récits de Laurence Peyrin.

8 commentaires sur “Après l’océan – Laurence Peyrin

  1. Je n’ai pas encore découvert cette autrice mais celui-ci me tente tout particulièrement tout comme L’aile des vierges! Le côté reconstruction post naufrage etc!

  2. Merci pour ce partage. Je ne connais pas encore cette autrice, mais je pense que je vais aller faire un tour du côté de ses livres. Notamment celui-ci qui a l’air assez émouvant.

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