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L’amant – Kan Takahama

Kan Takahama est née à Amakusa, dans la préfecture de Kumamoto. Diplômée de la faculté des beaux-arts de l’université de Tsukuba, elle a publié Kinderbook, Mariko Parade (avec Frédéric Boilet), L’Eau amère, 2 expressos, SAD GIRL ou encore Tokyo, amour et libertés (à paraître). Kinderbook a reçu en 2004 le prix de la meilleure histoire courte de la revue américaine The Comics Journal. Elle connaît un succès international et la plupart de ses livres sont traduits en France.

Indochine française, 1930. La narratrice, c’est l’autrice elle-même, Marguerite Duras. Elle a 15 ans et vit en Indochine avec sa mère, veuve et ses deux frères. Une existence de jeune fille pauvre car sa mère a des dettes et son frère aîné, opiomane notoire, dilapide le peu d’argent qui rentre à la maison.

Pensionnaire dans un lycée pour étudier les mathématiques, elle ne rêve que de devenir écrivain. Sur le bac qui traverse le Mékong séparant son lycée de sa pension, elle fait la connaissance d’un riche chinois.

Ils tombent éperdument amoureux et commencent une relation faite d’amour et d’argent qui durera un an et demi durant lequel ils se verront régulièrement. Marguerite devra faire face à la honte, la peur, la jalousie et parvenir à trouver sa place au sein d’une famille où il est difficile de s’imposer.

Si je suis imperméable au style de Marguerite Duras, j’avais beaucoup aimé le film signé Jean-Jacques Annaud, tiré de son roman le plus célèbre : L’amant. Ce roman autobiographique racontait son premier amour, une histoire charnelle et intense, que Marguerite Duras aura du mal à oublier.

Je n’ai fait qu’une bouchée de son adaptation en manga par la talentueuse Kan Takahama, autrice par ailleurs de La lanterne de Nyx, Le goût d’Emma et Le dernier envol du papillon, tous dans ma wish list.

Rue de Sèvres continue d’adapter de grands romans au format graphique et c’est tant mieux car à chaque fois, la qualité est au rendez-vous et je me régale de chacune de mes lectures, celle-ci n’a pas fait exception à la règle et je suis emballée par le travail formidable de Kan Takahama qui m’a éblouie.

En une centaine de pages et peu de dialogues, la mangaka, grande admiratrice de Marguerite Duras nous conte ce titre emblématique de la romancière française.

Comme elle l’explique dans sa préface, par ailleurs très intéressante, ne la zappez pas, elle est allée sur les traces de cet amour et de leurs protagonistes, à Ho Chi Minh Ville, voir les lieux où est née cette histoire : l’école fréquentée par Marguerite, son pensionnat, sa maison, celle du chinois sur la rive du Mékong, etc., qu’elle retranscrit merveilleusement, tout comme l’atmosphère chaude et moite.

Le scénario de Kan Takahama va droit au but, à l’essentiel, sans fioriture, elle se concentre sur la sensualité, l’initiation sexuelle de Marguerite Duras qui voit dans son histoire avec le chinois, un moyen d’émancipation sociale.

Lui, est très amoureux, mais il se conformera à ce que son père attend de lui : un mariage avec une jeune fille chinoise de bonne famille.

Elle, pense uniquement se servir de lui, comme un pygmalion sexuel et une bonne manière d’améliorer la situation financière familiale mais au final, elle s’apercevra, qu’elle aussi, avait des sentiments.

L’accent est mis sur les personnages qui ressemblent au plus près aux protagonistes d’origine, leurs traits sont fins mais ils ne sont pas particulièrement beaux, ont un physique somme toute banal, ce que Marguerite Duras aurait approuvé, elle qui n’avait pas apprécié que les acteurs d’Annaud soient sublimes.

Les décors sont volontairement épurés, les couleurs chaudes sont très bien choisies, quant au jeu d’ombre et de lumière, il est totalement maitrisé. Les planches sont à tomber, Kan Takahama joue également sur les changements de cases, apporte du flou à certaines scènes, elle fait, vous l’aurez compris, un travail de haute volée qu’il convient de saluer.

Un grand merci à Doriane et aux éditions Rue de Sèvres pour cette lecture, j’ai adoré et je vous la conseille !

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