Littérature anglaise

Au temps du roi Edouard – Vita Sackville-West

L’Angleterre des dix premières années du siècle : Edouard VII s’installe sur le trône, tandis que la noblesse et les classes dirigeantes s’affranchissent prudemment des sévérités victoriennes. Ils vivent des passions mais n’osent les avouer ; ils sont immoraux mais respectent l’étiquette. Entre les fastes de leurs châteaux et les chambres à coucher d’apparat, c’est un cortège d’hypocrisies, d’adultères et de ragots. Dans cette foire aux vanités, le jeune Sébastien cherche à concilier l’ordre et la liberté et se demande si l’amour est plus fort que la décadence. Tragiquement chic dans son insolence, Au temps du roi Edouard demeure l’un des plus singuliers testaments d’une aristocratie anglaise fracassée par la Première Guerre mondiale.

au-temps-du-roi-edouard-vita-sackville-westauteur-éditeur-pagesAu temps du roi Edouard est un roman so british dont je ne soupçonnais pas l’existence avant de lire l’excellent billet d’Eliza qui a immédiatement éveillé mon intérêt. Aussi, lorsque le mois anglais s’est profilé à l’horizon, j’en ai profité pour l’acheter et le lire et je ne peux que dire merci à Eliza de m’avoir donné envie. Je dois en effet vous avouer d’emblée que je suis totalement sous le charme de cette chronique grinçante de l’aristocratie anglaise du début du 20è siècle. La plume de Vita Sackville-West est brillante, élégante, virevoltante et ce récit s’avère tout simplement passionnant. Si vous aimez l’ambiance de Dowtown Abbey, de Gosford Park et de Parade’s end, ce court roman ne pourra que vous séduire, comme j’ai été séduite et emportée dans le sillage de ces aristocrates d’avant la première guerre mondiale. Le règne moral de Victoria a pris fin avec l’avènement de son fils Edouard VII. Ce roi mécène des arts et des sciences, épicurien, dandy et libertin, mène une vie qui tranche singulièrement avec celle qu’a vécu sa mère pendant les quarante dernières années de son règne. Veuve inconsolable du prince consort Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, elle s’est murée dans le noir et l’austérité, s’éloignant inexorablement de son peuple, de l’aristocratie et de ses enfants.

Vita Sackville-West connaît bien l’aristocratie britannique, ses codes et ses coutumes même si, née en 1892, elle n’était qu’une enfant lors de l’accession au trône du roi Edouard en 1901. Fille unique du troisième Lord Sackville et d’une danseuse espagnole (un scandale et une mésalliance à l’époque), elle va vivre de sa plume avant de s’adonner à la passion du jardinage et des roses sur la fin de sa vie. Au temps du roi Edouard parait en 1930 et c’est un succès immédiat.

Le récit démarre en 1906, pile au milieu du règne d’Edouard VII et s’achèvera cinq ans plus tard avec la cérémonie d’intronisation de son fils, George V. Le roman s’ouvre sur un week-end  dont la gentry raffolait. Le duc Sébastien et sa mère Lucie reçoivent dans leur domaine de Chevron. Âgé de seulement 19 ans, Sébastien est étudiant à Oxford et a une vie déjà toute tracée faites de devoirs et d’obligations, de bals et d’obligations mondaines, entre la garde royale et la gestion de son domaine, digne d’un petit village à lui tout seul. Véritable gentleman-farmer dans l’âme, il aime arpenter Chevron et prendre soin de ses domestiques, tout comme l’ont fait ses ancêtres avant lui. Lors de ce week-end, il fait la connaissance de Léonard Anquetil, un aventurier revenant du pôle Nord et coqueluche éphémère du tout Londres. L’homme n’est d’ailleurs pas dupe, conscient d’avoir été invité pour épater les invités de la duchesse. Les deux hommes s’apprécient et l’aventurier tente de convaincre Sébastien de partir avec lui en expédition afin d’échapper pour un temps à ce destin tout tracé, en vain, car ce dernier vient de succomber à la très belle Lady Sylvia Roehampton, la meilleure amie de sa mère.

Cet excellent roman de Vita Sackville-West fait craquer le vernis des bonnes manières et nous dévoile une aristocratie et une Angleterre en mutation, en transition entre le 19è et le 20è siècles : les modes de transport, les métiers, les mœurs évoluent alors que l’aristocratie se repait de ses codes, de son snobisme et de ses traditions. Leurs domestiques aussi, à l’image de leurs maitres, se complaisent dans le snobisme et les traditions séculaires qui les régissent depuis des générations. Certains personnages veulent malgré tout échapper à leur destin : le fils de l’intendant qui refuse de travailler à Chevron et préfère devenir mécanicien et Viola, la sœur de Sébastien, en quête d’émancipation et de liberté. C’est aussi le roman des faux-semblants, du vernis qui craque et des liaisons extra-conjugales.

Je ne peux que vous conseiller la plume éblouissante et sarcastique de Vita Sackville-West et cette peinture merveilleuse de la Belle Epoque, d’un monde aristocratique qui s’achève avec la première guerre mondiale. Ma première rencontre avec l’auteure ne sera pas la dernière !

heart_5Lu en lecture commune avec avec Emmanuelle, Fanny, Céline et Claire dans le cadre du Mois anglais et des challenges La plume au féminin édition 2013 et God save the livre édition 2013 :

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49 commentaires sur “Au temps du roi Edouard – Vita Sackville-West

  1. Ce n’est pas un coup de coeur pour moi, mais ça reste un très bon roman que j’ai eu plaisir à lire. J’ai également fait le parallèle avec Downtown abbey au cours de ma lecture. En tout cas, c’est un très bel article Bianca qui je suis sûre donnera envie de découvrir ce roman !
    Bises

    1. Contente que tu l’ai aimé aussi, même si ce n’est pas un coup de coeur pour toi, tu as eu autant de plaisir à le lire que moi. Heureuse d’avoir partagé une fois de plus une lecture avec toi ma Céline. Bises

  2. je n’ai lu que Toute passion abolie, de cet écrivain de renom. Sa plume est très belle, dynamique et juste. ton billet donne envie de lire de nouveau un roman d’elle !

    1. Je suis d’accord avec toi, la plume de l’auteure est très belle et je compte bien lire Toute passion abolie et ses autres romans, je suis sous le charme !

  3. Je note ce roman j’aimerais beaucoup le lire, ton billet est passionnant. Je viens de terminer un roman d’Edith Warthon vraiment bien, les Boucanières que je compte chroniquer sous peu et qui est une peinture de la société anglaise cette fois-ci victorienne mais encore une fois c’est une critique virulente de cette société trop polissée et souvent fortement hypocrite.

    1. J’ai hâte de lire ton billet sur Les boucanières, Edith Wharton est une romancière que je n’ai pas encore lu mais qui me tente beaucoup !

    1. Oh oui, c’est un roman brillant, vraiment je me suis régalée alors j’espère que tu auras le même plaisir que moi à le lire !

  4. Encore une lecture commune avec Céline 🙂 Je viens de voir son avis et vous m’avez convaincue : ma découverte de l’auteure se fera avec ce titre !

    1. Oui on n’arrête pas !! Mais tu es de la prochaine pour Anne Perry, j’espère que cette enquête te plaira et que tu rejoindras notre petit groupe tous les mois ! Contente en tout cas de t’avoir convaincu de lire ce roman de Vita S-W

    1. Je suis totalement sous le charme de cette histoire, j’ai adoré alors je ne peux que te le conseiller et te souhaiter de l’apprécier autant que moi

  5. Je suis obligée de le noter car il m’a l’air vraiment intéressant et enrichissant. La plume devrait me plaire j’ai l’impression 😉
    Bisous ma Bianca et belle soirée 😀

    1. Je suis sûre qu’il te plaira en effet, toi qui es si sensible au style, à juste titre. Bisous ma Laure et belle après-midi 🙂

  6. Dur de résister à de tels billets enthousiastes ! Non, je ne le note pas… je suis full. Lire ton billet était dangereux, mais je résiste. 🙂

  7. Je crois que je vais continuer mes pérégrinations littéraires en compagnie de Vita Sackville West avec un troisième roman. J’hésite encore sur le troisième mais j’ai plusieurs idées… Biz!

    1. Je te comprends, je compte bien moi aussi découvrir les autres romans de Vita Sackville-West. Contente d’avoir partagé cette lecture avec toi et on remet ça quand tu veux 🙂

  8. Toi aussi tu es sackvillisée alors ?!
    Il va vraiment falloir que je profite de l’été pour découvrir la plume de cette auteure car tous les billets que j’ai lus jusqu’alors sont plus qu’élogieux. Et son univers, sa verve ont -en effet- tout pour me séduire.
    Je me lance tout bientôt !

    1. Oui 🙂 J’espère que sa plume te plaira, moi je l’ai trouvé brillante et légère, virevoltante, vraiment j’ai adoré ! Il ne me reste plus qu’à acheter un autre roman de Vita Sackville-West ! J’espère que son univers te plaira en tout cas

  9. Très beau billet Bianca! Je pense que tu vas donner envie à de nombreuses lectrices ou lecteurs de se plonger dans cette belle histoire.
    Je n’ai pas eu un coup de coeur comme toi. Mais j’ai beaucoup apprécié cette première rencontre avec Vita Sackville West. Sa plume pleine de mordant et d’ironie ressuscite parfaitement cette haute société anglaise de l’avant première Guerre Mondiale, engoncée dans ses traditions mais qui commence à être touchée par un vent de réforme.

    1. Merci Claire ! J’ai trouvé ce roman divin comme un tea time et je suis contente que tu ai aimé bien que ce ne soit pas un coup de coeur pour toi et surtout d’avoir partagé cette lecture avec toi, une nouvelle fois. Bises

  10. Je crois qu’Eliza a fait découvrir ce roman a beaucoup de personnes. Très beau billet. J’ai aussi beaucoup aimé ce roman. Une vision intéressante de cette période!

  11. Je trouve aussi que ce roman offre une vision très intéressante de l’aristocratie anglaise et je suis contente que tu ai aimé cette lecture que nous avons partagé 🙂

  12. Je ne connaissais pas du tout mais je note,c’est un roman que je pourrais adoré ! Très jolie chronique en tout cas 😉

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