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La compagnie des menteurs – Karen Maitland

1348. La peste s’abat sur l’Angleterre. Rites païens, sacrifices rituels et religieux : tous les moyens sont bons pour tenter de conjurer le sort. Dans le pays, en proie à la panique et à l’anarchie, un petit groupe de neuf parias réunis par le plus grand des hasards essaie de gagner le Nord, afin d’échapper à la contagion. Parmi eux, un vendeur de saintes reliques, un magicien, une jeune voyante, un conteur, une domestique, deux musiciens italiens, un peintre et sa femme enceinte. Neuf laissés-pour-compte qui fuient la peste mais aussi un passé trouble. Bientôt, l’un d’eux est retrouvé pendu, puis un autre démembré, un troisième poignardé… Seraient-ils la proie d’un tueur plus impitoyable encore que l’épidémie ? Et si celui-ci se trouvait parmi eux ? Toutes les apparences ne vont pas tarder à s’avérer trompeuses et, avec la mort qui rôde de toutes parts, les survivants devront faire preuve d’une incroyable sagacité, au milieu des secrets et des mensonges, pour trouver le mobile des meurtres et résoudre l’énigme avant qu’il ne soit trop tard.

la-compagnie-des-menteurs-karen-maitlandauteur-éditeur-pagesMon premier pavé de l’été et on peut dire que ce roman n’a pas eu le temps de trainer dans ma PAL puisque je l’ai acheté le mois dernier !! L’histoire commence en 1348 pour se terminer un an plus tard. Au fil des pages, les personnages du roman vont se rencontrer pour former une compagnie. Tous fuient la pestilance à travers toute l’Angleterre. La peste fait rage et pas une cité, pas un village, semblent épargnés par la contagion. Nous faisons tout d’abord connaissance de Camelot, le narrateur, un vieil homme solitaire et borgne dont on ne connait pas le véritable nom puisqu’il est désigné par son métier : il vend des reliques, fausses comme il se doit. Un commerce qui avait le vent en poupe au Moyen-Age et dont j’avais déjà beaucoup entendu parler dans Trafic de reliques d’Ellis Peters avec Frère Cadfael que je vous recommande. Vont bientôt le rejoindre Rodrigo, ménestrel vénitien et son élève Joffre, un adolescent à la beauté ensorcelante, Plaisance, une sage-femme, Zophiel, qui vit de tours de magie et qui ne va avoir de cesse de semer la discorde au sein de la Compagnie, Osmond, un peintre, et Adela, sa compagne, enceinte, Cygnus, un homme cygne conteur de son état et une enfant aux cheveux blancs, l’énigmatique Narigorm, sorte d’oracle qui lit l’avenir dans les runes.

Cette compagnie formée fortuitement est ensuite passée au crible, au gré de ses nombreuses pérégrinations à travers une bonne partie du royaume britannique. Chaque personnage est disséqué, afin que le lecteur découvre au fur et à mesure les secrets et les personnalités réelles de chacun, car tous ont en commun d’avoir un secret, d’où le titre du roman, La compagnie des menteurs, puisqu’ils cachent tous aux autres ce qui peut leur nuire,  faisant d’eux finalement des menteurs. Je trouve d’ailleurs le mot trop fort car au Moyen-Age, une époque où les bûchers étaient prompts à s’allumer pour un rien, être différent de la norme établie par l’Eglise, obligeait à la dissimulation et aux faux-semblants. Ces secrets inavouables nous allons donc les découvrir sans que Karen Maitland ait recours à une enquête policière, ce sont plutôt des scènes, des discussions vues et entendues par Camelot qui nous les révèlent. Ces mystères, qui semblent totalement anodins de nos jours, faisaient courir le risque d’une condamnation par l’Église à leurs auteurs et Karen Maitland, par la voix de son personnage principal Camelot, use malheureusement d’une psychologie totalement anachronique pour les excuser et c’est un peu dommage. Le petit groupe, qui craint la peste, tout comme le reste de la population anglaise, doit trouver chaque jour de quoi se nourrir et s’abriter, deux objectifs difficiles à atteindre car ils subissent un temps épouvantable : des journées d’averses et de boues auxquelles va succéder un froid mordant. La compagnie, comme si ça ne suffisait pas, doit subir aussi la présence d’un loup qui les terrorise chaque nuit, malheureusement pour nous lecteurs, on ne sent à la lecture aucune tension ni angoisse, contrairement aux personnages. Le récit s’éternise aussi par moment car il n’y a pas un rebondissement à chaque page mais, sur fond de peste noire et de mort qui rôde, cela ne m’a pas gêné.

Entre réalité et légendes, superstitions et foi, cruauté et compassion, Karen Maitland nous livre ici un roman médiéval de grande qualité, bien documenté, foisonnant et intéressant, très abouti et qui m’a beaucoup plu, bien que je ne sois pas spécialement attirée par cette époque, ce n’était donc pas gagné d’avance. J’ai été séduite par les menteurs, sauf un, le méchant de l’histoire très antipathique, les autres m’ont beaucoup intéressés et j’ai suivi leurs aventures avec grand plaisir. Je regrette simplement l’étiquette « thriller » car je le répète ce n’en est pas un !

Si vous aimez la période médiévale, vous allez être comblée par La compagnie des menteurs de Karen Maitland, le récit, remarquable, nous plonge vraiment dans l’atmosphère du Moyen-Age. En revanche si vous recherchez un thriller haletant, vous risquez d’être déçues, c’est là mon bémol : étiqueté « thriller historique » jusque sur sa couverture, ce roman n’est en aucun cas un roman policier, encore moins un thriller avec un rythme haletant, mais un bel hommage à la littérature médiévale puisqu’on y retrouve les éléments clés des débuts de la littérature comme les mythes et légendes, les contes, la chevalerie, la magie, etc. Ne vous fiez donc pas, contrairement à moi, à la 4è de couverture :  je m’attendais à une version médiévale des Dix petits nègres, il n’en est rien !

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Lu dans le cadre des challenges La plume au féminin édition 2013, Polars HistoriquesBritish mysteries et God save the livre édition 2013 :

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42 commentaires sur “La compagnie des menteurs – Karen Maitland

  1. Merci d’avoir précisé que ce n’était pas un thriller haletant,… mais plutôt un hommage à la littérature médiévale.
    Ca peut m’intéresser, peut-être pour le moment, mais je regarderais peut-être plus tard.
    Merci pour cette découverte (encore).
    Bon lundi, bises.

    1. Contente de t’avoir convaincue, après il faut avoir le temps de le lire car il fait près de 700 pages mais j’espère que tu aimeras lorsque tu le liras ! Bon mardi, bises

  2. Visiblement, en ce moment, les romans historiques médiévaux ont le vent en poupe ! Je suis assez intriguée par ce titre, l’intrigue a l’air d’avoir assez de mystères pour me tenter. Je ne cherche pas forcément un polar ou un thriller historique, juste une légère tension qui pimente la lecture. Je le note donc et surtout « Dix petits nègres » que tu cites. Je vais lire ton billet pour être encore plus tentée. Bonne semaine !

    1. Ah je ne savais pas, tu as repéré d’autres titres médiévaux ? Ici il n’y a pas de grosse tension mais il est intéressant et prenant, j’ai pris du plaisir à le lire. Quant à 10 petits nègres, celui-ci il faut vraiment le lire, c’est un chef d’oeuvre !

      1. « Labyrinthe » de Kate Mosse par exemple si tu t’intéresses un peu aux cathares et à Carcassonne. Il y a aussi une adaptation que j’ai vu qui est sortie il y a peu et que j’ai adoré. Sinon, « Les Piliers de la Terre » de Ken Follett se situe au XIIe siècle. Pareil, l’adaptation est très bien ! (avec Matthew MacFadyen, miam) Ce sont les premiers titres récents qui me viennent en tête. 🙂

      2. Les piliers de la terre sont déjà notés, je sais que c’est un très bon roman. Je ne connais pas en revanche Labyrinthe, merci 🙂

    1. Mon seul bémol porte sur la notion de thriller mise en avant par l’éditeur car il n’en est pas un, sinon c’est un très bon roman : les personnages sont intéressantes, l’atmosphère médiévale très réussie et l’histoire tient debout. Il y est aussi beaucoup question de nature, je pense qu’il devrait te plaire !

  3. Chez Sonatine (l’éditeur broché de ce livre-ci, si je ne me trompe) dans le médiéval, j’ai déjà La Religion de Willocks à lire. Mais pour la suite, je renote ce titre suite à ton billet… Bon, c’est deux pavés quand même!

    1. Oui c’est bien Sonatine l’éditeur broché de ce roman, je ne connais pas ton titre en revanche. La lecture de pavés prend plus de temps en effet, mieux vaut être en vacances !

  4. La période médiévale me plait beaucoup, et j’aime bien ces romans où on apprend les secrets sans que ce soit sur un rythme de thriller. Et si en plus c’est bien écrit et documenté, je dis banco !

  5. Je note aussi. J’apprécie les romans se passant à l’époque médiévale, à condition que ce ne soit pas trop mystique. Je n’ai commencé à apprécier l’histoire médiévale qu’une fois à la fac.
    En tout cas, bravo pour cette onzième participation, très respectée « Sir Wilkie Braddon ». :))

    1. Ce n’est pas trop mystique, la religion est présente mais à petites doses, c’est un très bon roman en tout cas que je te conseille, si tu t’intéresses à la période médiévale, il ne peut que te plaire 🙂

  6. Merci pour ce nouveau billet dans le cadre des British Mysteries, tu as un beau palmarès à ton actif 🙂 J’ai noté le titre de ce roman, je l’avais vu en librairie et ton avis me donne plus envie de le découvrir, même si on n’est pas tout à fait dans un roman policier historique… ma foi je connais mal le Moyen-âge mais me ferais un plaisir d’y plonger le temps d’un roman !

    1. Ce n’est pas un roman policier à proprement parler mais c’est un très bon roman médiéval, très intéressant sur les coutumes et superstitions médiévales, je te le recommande !

  7. Quelle lecture ! ! Karen Maitland a un univers particulier et très personnel mais qui m’a plu d’emblée ! Ce roman m’a peut-être moins emballée que Les Âges Sombres qui est le premier roman de l’auteure que j’ai lu, en 2016…mais ça reste quand même une lecture géniale, que j’ai complètement dévorée !

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